La Banque centrale européenne (BCE) a réactivé jeudi deux mesures exceptionnelles, dont son programme de rachat d'obligations publiques sur le marché secondaire, pour lutter contre les feux de la crise de la dette en zone euro, sans convaincre les marchés.

Le conseil des gouverneurs a décidé «à une écrasante majorité» de procéder à de nouveaux rachats d'obligations, a déclaré son président Jean-Claude Trichet lors d'une conférence de presse à Francfort, siège de l'institution, alors que l'Italie et l'Espagne sont malmenés par les marchés.

Auparavant, M. Trichet avait déclaré n'avoir «jamais dit» que ce programme, entamé à contre-coeur au printemps 2010 pour porter secours à la Grèce, avait été «interrompu». La BCE n'en avait pourtant pas fait usage depuis plus de quatre mois, considérant qu'il appartient aux responsables politiques européens d'adopter les mesures d'ajustement nécessaires pour mettre fin à la crise.

L'ampleur de l'intervention, qui a débuté dès jeudi, ne sera connue que lundi au plus tôt, la BCE ne communiquant qu'une fois par semaine à ce sujet. Il se pourrait même qu'elle ne figure que dans ceux du lundi suivant, du fait des délais de compensation.

La BCE va aussi venir en aide aux banques, en mettant à leur disposition des liquidités supplémentaires.

Une opération exceptionnelle de prêt sur six mois sera lancée le 9 août avec une maturité au 11 mars 2012, en réaction aux «tensions renouvelées sur certains marchés de la zone euro», a précisé M. Trichet.

La BCE avait déjà procédé à ce type d'opérations pour faire face à la crise mondiale, mais ces opérations avaient cessé fin 2009.

L'allocation illimitée de crédits aux banques, à taux fixe et sur des périodes allant jusqu'à trois mois, est quant à elle prolongée d'un trimestre, jusqu'à janvier 2012.

Malgré toutes ces annonces, les bourse européennes ont piqué sévèrement du nez jeudi après-midi tandis que l'euro se dépréciait face au dollar.

Le fait que M. Trichet ait annoncé la reprise du rachat d'obligations, en termes sybillins, au détour d'une réponse à la question d'un journaliste, «crée des doutes sur le sérieux» de cet engagement, estime Holger Schmieding, chef économiste chez Berenberg Bank.

M. Trichet a par ailleurs «refusé de dire si la BCE allait aussi racheter des obligations espagnoles et italiennes», ce qui constitue un mauvais signe, poursuit l'économiste.

Son confrère de IHS Global Insight, Howard Archer, estime pour sa part que le fait que M. Trichet ait indiqué que cette décision n'avait pas été prise à l'unanimité du conseil des gouverneurs mais à «une majorité écrasante» fait naître des spéculations sur son impact limité.

M. Trichet a ajouté qu'il souhaitait voir le Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place pour prêter aux Etats en difficulté de la zone euro, relayer rapidement la BCE comme cela a été décidé lors d'un sommet à Bruxelles le 21 juillet.

Or ce transfert serait «dangereux», estime Holger Schmieding. «En cas de panique irrationnelle, un message puissant est nécessaire pour l'arrêter», ce que seule une banque centrale «qui peut agir vite et à grande ampleur» peut faire», ajoute-t-il, estimant que la BCE avait «raté une opportunité d'agir de manière plus convaincante».

«En se montrant si réticente (...) la BCE sape l'efficacité» de son action «puisque les marchés financiers ne peuvent pas s'appuyer sur elle comme prêteur de dernier recours aux gouvernements», renchérit Marie Diron, du cabinet Ernst and Young.

Les argentiers de la zone euro, réunis jeudi en premier lieu pour décider de leur politique de taux d'intérêt, ont décidé sans surprise de laisser leur principal taux directeur à 1,5%.

Mais leurs déclarations laissent entendre qu'ils comptent opérer une nouvelle hausse dès octobre, «ce qui au mieux serait inutile», estime Diron qui pointe un optimisme hors de propos de la BCE sur la poursuite de la croissance en zone euro.