Les victimes d'Earl Jones sont exaspérées. Accusant la Banque Royale de retarder le recours collectif en cours, des victimes, des proches et des sympathisants ont manifesté ce midi devant la succursale de la Banque Royale de Beaconsfield, dans l'ouest de Montréal, où le prétendu conseiller financier avait déposé une grande partie de l'argent volé aux investisseurs.

Conseiller financier pendant plusieurs années à Beaconsfield, Earl Jones a été condamné, en février dernier, à 11 ans de prison pour avoir détourné 50 M$ à 158 investisseurs pendant près de 25 ans. Deux ans après la découverte de cette fraude et un an après que la Cour supérieure ait accepté d'entendre le recours collectif de 40 M$ déposé à l'endroit de la Banque Royale, ces investisseurs, pour la plupart des personnes âgées, attendent toujours d'être indemnisés. Ayant vu une grande partie de leurs économies englouties dans le stratagème à la Ponzi mis en place par Earl Jones, ils réclament un règlement rapide et accusent la Banque Royale de mauvaise foi. Ils déplorent que l'institution financière n'ait toujours pas présenté sa défense, chose qui selon eux aurait dû être faite en décembre 2010.

En juin dernier, la Banque Royale a offert 12,5 M$ aux membres du recours collectif, une somme que ces derniers jugent inacceptable. «Les victimes ne veulent pas un deal, a martelé Kevin Curran, l'un des porte-parole du Comité des victimes d'Earl Jones et le fils d'une des victimes. Ils veulent l'argent qu'ils ont perdu. 12,5 M$ ne représente pas ça. Les gens ici ne sont pas des numéros. Ce sont des gens qui ont subi des pertes. Ne leur donnez pas moins que ce qu'ils ont perdu. Nous ne voulons pas 75 cents sur le dollar.»

«Quand on vous doit quelque chose, vous essayez d'obtenir ce qui vous est dû sans faire de concession», a ajouté Damien Rosa. Floué par le conseiller financier à qui il avait confié ses avoirs en 2006, ce travailleur autonome estime avoir perdu environ 400 000$. À l'instar de plusieurs autres victimes, il accuse la Banque Royale d'avoir laissé le prétendu conseiller financier commettre ses actes frauduleux pendant de nombreuses années. Selon les victimes, l'institution financière aurait autorisé Earl Jones à utiliser son compte personnel comme un compte en fidéicommis. Elles soutiennent qu'un mémo interne datant de 2001 atteste que la banque était au courant d'irrégularités, ce que nie l'institution financière.

«Je ne comprends pas comment un chèque peut être falsifié et que la banque dit que ce n'est pas sa responsabilité, a déclaré Bruce Emblem, un autre investisseur floué. Ma banque, qui est une autre institution, n'accepterait pas des chèques d'un tel montant sans faire de vérification. Je pense qu'ils (la Banque Royale) étaient au courant.»

Bien que le rassemblement ait eu lieu dans le calme, la manifestation a semblé rendre les employés de la succursale nerveux. Présent sur les lieux, le directeur des relations publiques de la Banque Royale, Raymond Chouinard, a nié les allégations des victimes voulant que l'institution ait été au courant des agissements d'Earl Jones. «Des enquêtes internes ont été faites au cours des deux dernières années et rien ne démontre jusqu'à maintenant qu'il y ait eu quoi que ce soit de reprochable dans ce qui a été fait à la banque, a-t-il fait valoir. Nous aussi nous avons fait confiance à Earl Jones. Nous aussi nous avons été pris par surprise. Nous avons vraiment constaté le dégât quand la fraude a été révélée. C'est quelqu'un qui jouissait d'une réputation très solide. La banque est une victime parmi d'autres dans ce scandale.»

M. Chouinard a dit espérer qu'une entente à l'amiable soit conclue rapidement. Il a toutefois déploré le manque de collaboration des membres du recours collectif qui, selon lui, refusent toute discussion. «Nous voulons obtenir leur collaboration pour faire un examen en profondeur des pertes qu'ils ont subies, a-t-il expliqué. On sait que leurs pertes sont importantes. Malgré les recherches approfondies qui ont été faites, nous ne sommes pas encore satisfaits de l'évaluation qui est faite, chez nous, des pertes encourues par les membres du recours collectif.»