D'habitude on le fait à deux ou à plusieurs sur une piste de danse, mais vendredi soir dernier, c'est toute seule dans son bureau du centre-ville de Montréal que l'avocate Caroline Thomassin y est allée de petits pas de danse et de quelques «youpi!» bien sentis.

«Je suis de nature à exprimer mon exubérance», dit la directrice des Affaires juridiques du Mouvement Desjardins, pour expliquer sa réaction de joie.

Il faut dire qu'elle avait une excellente raison de célébrer. Elle venait d'apprendre qu'une majorité d'actionnaires de Western Financial Group avaient déposé leurs actions auprès du fiduciaire, ouvrant ainsi la voie à Desjardins pour procéder à l'acquisition de cette société albertaine pour 443 millions de dollars.

Après des mois de discussions, de négociation et de rebondissements de toutes sortes, le résultat était probant et gratifiant pour cette avocate de 41 ans qui a piloté juridiquement cette transaction, une des plus importantes de l'histoire de la coopérative. Vendredi, il était donc déjà tard - près de 22 h - lorsqu'elle a finalement quitté le bureau pour rentrer chez elle, fatiguée mais heureuse du boulot accompli.

«Le champagne, ce sera pour la semaine prochaine», dit-elle.

L'histoire débute en mai 2010 par un coup de fil de Christiane Bergevin. La vice-présidente exécutive, partenariats stratégiques, de Desjardins, veut développer un partenariat avec la société publique Western Financial dans l'espoir de distribuer les produits financiers de Desjardins dans l'Ouest canadien. Elle a besoin de l'aide des avocats, car il faut rédiger une lettre d'intention et, surtout, procéder à une vérification diligente. Desjardins veut bien connaître son partenaire d'affaires avant d'aller de l'avant.

Partenariat ou acquisition?

Même si on ne parle pas encore d'acquisition, les pourparlers sont intenses. Il y a beaucoup de discussions, notamment sur la forme que pourrait prendre le partenariat. Pour l'épauler, Caroline Thomassin requiert les services d'avocats externes: le cabinet McCarthy Tétrault est retenu, à ce stade pour les questions de réglementation, plus tard pour aller plus loin.

«On voulait un cabinet avec une longue présence dans l'ouest du pays et avec un bureau à Montréal», explique Me Thomassin.

À mesure que les discussions avancent, les dirigeants de Desjardins se posent des questions, si bien qu'en novembre, ils se rendent compte qu'une acquisition serait peut-être plus souhaitable, surtout qu'entre temps, ils ont vent que Western Financial serait peut-être «en jeu». Et ils ont raison, l'assureur Intact Financial ne rôde pas très loin...

Début décembre, Intact propose à Desjardins d'acquérir Western en le scindant en deux: les assurances pour Intact, le côté bancaire pour Desjardins. La coopérative se laisse tenter, mais pas très longtemps, car le 10 du même mois, elle décide d'avaler toute la bouchée, seule. C'est là que l'équipe de Fusions et acquisitions de McCarthy Tétrault entre dans le dossier.

Essentiellement, les avocats devaient faire trois choses. Un, achever la vérification diligente amorcée à l'étape du partenariat. Les documents importants sont accessibles par une salle virtuelle, une «data room». Il faut scruter les contrats juridiques et financiers. Western Financial a aussi pas mal de titres financiers en circulation; des débentures, plusieurs catégories d'actions privilégiées, etc. Un travail de moine.

Deux, imaginer une structure d'acquisition qui protégerait à la fois Desjardins et serait alléchante pour les vendeurs. On a le choix entre la fusion, l'OPA et l'arrangement. On opte pour l'OPA, «Parce cette structure augmente la certitude pour les vendeurs que la transaction ira de l'avant», explique l'associé Frédéric Cotnoir, 37 ans, qui a dirigé l'équipe juridique de McCarthy.

Enfin trois, il faut rédiger et négocier le contrat d'acquisition, c'est-à-dire l'entente entre Desjardins et Western Financial, le document où l'on retrouve au bout du compte les termes et conditions de l'acquisition. Un document clé qui se promène entre les avocats des deux parties, où chacun y va de ses modifications.

«Il fallait faire très vite, car le vendeur imposait un échéancier serré» «, dit Me Cotnoir. Vite? En effet, plusieurs acheteurs sont sur le coup ou sur le point eux aussi de soumettre une offre. Il faut donc mettre le paquet. McCarthy met jusqu'à 15 avocats sur le dossier, certains travaillant même la nuit. Si bien que la transaction s'est bouclée en deux semaines, entre le 10 et le 23 décembre, tard le soir.

«J'ai pu acheter mes cadeaux le 24 décembre, juste à temps pour Noël», dit Frédéric Cotnoir. Ouf!

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