Karine Joizil a toujours voulu être avocate. Alors quand elle a passé son Barreau, en 2001, et qu'elle été embauchée par Fasken Martineau, l'un des plus grands cabinets canadiens, elle a pour ainsi dire concrétisé son rêve d'enfance. Depuis, sa carrière va bon train, au point où il est dans l'ordre des choses de penser qu'elle deviendra un jour associée avec pleine participation aux profits.

Ça, c'était le plan avant le déclenchement des élections fédérales...

Car il y a deux semaines, la vie professionnelle de Karine Joizil a complètement basculé, le jour où elle a reçu un appel de Rémi Bujold. L'organisateur en chef pour le Québec du Parti libéral du Canada se cherchait in extremis un candidat dans la circonscription de Laval-Les Îles pour succéder à la députée sortante Raymonde Folco qui, quelques jours après le lancement de la campagne, a décidé de ne pas briguer un sixième mandat.

«On m'a pressentie un mardi et le vendredi, on a annoncé ma candidature» dit Karine Joizil, 34 ans, mère de jumeaux de 4 ans. Elle n'a eu que 24 heures pour en parler à son conjoint, ses amis, son patron chez Fasken, et prendre une décision. Une décision lourde de conséquences: si elle gagne, le 2 mai prochain, elle sait qu'elle devra quitter le droit, du moins temporairement, et dire adieu au gros salaire qui vient avec son statut d'avocate au sein d'un grand cabinet.

«L'argent? Je n'y ai même pas songé, dit-elle. En politique, on fonctionne à l'adrénaline, pas au cash!»

Trop d'avocats?

Karine Joizil est probablement l'un des rares candidats à avoir dû se décider aussi rapidement. Mais elle est loin d'être le seul avocat à se présenter à ces élections fédérales. Bien sûr, il y a les noms connus, les Maxime Bernier et Christian Paradis, pour les conservateurs, Martin Cauchon, chez les libéraux, ou Thomas Mulcair, pour les néo-démocrates. Mais il y en a d'autres. Juste au Québec, près d'une trentaine d'avocats se présentent pour les quatre principaux partis.

«Il y en a beaucoup, mais moins qu'avant», fait remarquer Martin Pâquet, professeur d'histoire à l'Université Laval. En 1848, rappelle l'historien, il fallait exercer une profession libérale (avocat, notaire, médecin) pour siéger à la Chambre des communes. Si bien que les représentants du peuple étaient majoritairement des avocats ou des notaires. Plusieurs premiers ministres ont été avocats: John Alexander Macdonald, Wilfrid Laurier, Mackenzie King... Plus récemment, Pierre Trudeau, Jean Chrétien, et Brian Mulroney l'étaient aussi.

Dans plusieurs autres pays, les avocats sont au pouvoir, en France notamment avec l'actuel président de la République, Nicolas Sarkozy. Aux États-Unis, le président Obama l'est, tout comme bien des politiciens américains. En fait, les juristes là-bas ont littéralement envahi le paysage politique. Sur les 535 membres du Congrès américain, 213 sont avocats, soit près de 40%.

Ces chiffres en dérangent plusieurs, et ce, depuis longtemps. L'ex-président américain, Thomas Jefferson, lui-même avocat, avait déclaré, au début du XIXe siècle: «Si le Congrès passe trop de temps à parler, comment peut-il en être autrement dans une institution où le peuple envoie 150 avocats, dont l'objectif est de tout remettre en question, de ne rien rapporter et de se faire payer à l'heure pour parler?» 1

Aujourd'hui, c'est le site Vote Out Lawyers (www.voteoutlawyers.com) qui incite les citoyens américains à virer leur représentant s'il est avocat.

Un prolongement naturel

Il n'est pourtant pas si étonnant de voir autant d'avocats attirés par la politique. «C'est un prolongement de carrière naturel», dit le professeur Stephen A. Scott, de la faculté de droit de l'Université McGill. Celui-ci souligne que, par leur formation et leur pratique, les avocats sont notamment bien armés pour lire et rédiger des lois et interroger des adversaires: bref, ils sont prêts à intervenir dans le processus législatif, probablement mieux que quiconque.

Martin Pâquet souligne par ailleurs que, dans leur boulot quotidien, les avocats composent avec les lois existantes. «En politique, on fait les lois. Pour un avocat, ça peut être très stimulant.» Avocat et politicien seraient donc, en quelque sort, les deux côtés de la même médaille...

1. Traduction libre: «If the present Congress errs in too much talking, how can it be otherwise in a body to which the people send one hundred and fifty lawyers, whose trade it is to question everything, yield nothing, and talk by the hour?»

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Les procureurs choisissent BLG

L'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales passe de la parole aux actes et contestera sous peu en cour la loi spéciale qui les a forcés à retourner au travail. Pour les représenter, un dream team de BLG. L'APPCP a en effet choisi le cabinet d'avocats Borden Ladner Gervais (BLG), au terme d'un processus d'appel d'offres.

«On voulait les meilleurs», affirme le président de l'Association, Me Christian Leblanc. Il explique que, pour faire son choix, son association s'est limitée à quelques cabinets, mais qu'en fin de compte, la réputation et la compétence de l'équipe de BLG ont fait pencher la balance.

L'équipe de BLG sera chapeautée par Me Guy Pratte, et inclura Mes Alex De Zordo, Mark Phillips, François Longpré, Marie-Ève Léveillé et Marie Garel.

L'équipe de BLG sera ainsi appelée à contester la validité et la constitutionnalité de la loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, adoptée par l'Assemblée nationale en février dernier.