Le grand patron de la firme d'avocats qui a fusionné avec Ogilvy Renault veut propulser Norton Rose parmi les plus grands cabinets du monde. Il explique son plan de match...

C'est fou comme les choses peuvent changer en 10 ans. Au début des années 2000, le cabinet d'avocats britannique Norton Rose était à la dérive, encore affecté par le bombardement de ses bureaux londoniens par un groupe terroriste survenu 10 ans plus tôt, tragédie suivie d'une expansion en Europe qui n'a pas rapporté un sou pendant des années. Les associés-clés quittaient le navire avant qu'il ne coule. Ça, c'était jadis...

Car, depuis deux ans, Norton Rose a littéralement ressuscité. En 2009, le groupe a d'abord étonné toute la communauté juridique internationale en combinant ses activités avec Deacons, une des plus grandes firmes australiennes. Puis, puis en 2010, il a remis ça, cette fois avec le canadien Ogilvy Renault et le sud-africain Deneys Reitz. Trois coups fumants qui ont catapulté Norton Rose sur le devant de la scène mondiale des services juridiques, avec plus de 2500 avocats dans 38 bureaux sur cinq continents.

Au centre de cette métamorphose, Peter Martyr, avocat très british de 56 ans qui dirige la firme depuis 2002, et qui n'a jamais caché ses ambitions de faire de Norton Rose l'un des plus importants cabinets d'avocats au monde. Déjà, il y a presque 10 ans, à son premier discours comme PDG, il avait déclaré qu'une vingtaine de grands cabinets domineraient éventuellement le marché mondial des services juridiques, et qu'il avait la ferme intention que sa firme en fasse partie. Peter Martyr était de passage ces jours-ci à Montréal dans les bureaux d'Ogilvy Renault. La Presse Affaires lui a parlé.

Q: La Presse Affaires: Votre cabinet a connu des difficultés pendant des années. Il a fallu beaucoup de temps pour vous en remettre. Est-ce pour cela que vous allez si vite ces temps-ci?

R: Peter Martyr: C'est le moment de courir, car les occasions pour développer une firme d'avocats internationale sont là. Ce serait une erreur de ne pas les saisir. En plus, les gens avec qui nous nous associons ou avec qui nous discutons aiment notre approche et notre façon de faire des affaires.

Q: En 2002, vous prédisiez que 20 cabinets domineraient le marché mondial des services juridiques. Vous le pensez encore?

R: Plus que jamais! Il doit y en avoir une dizaine en ce moment et on arrivera à 20 ou 30 d'ici cinq ans. Ensuite, je m'attends à une autre phase de consolidation. À terme, il devrait en rester 10.

Q: C'est votre objectif d'en faire partie, mais votre firme n'a pas encore de bureaux américains. Sans les États-Unis, ça va être difficile...

R: C'est certain que l'on veut être présent aux États-Unis. Mais on veut s'associer avec un groupe qui partage les mêmes valeurs et la même culture que nous. S'il manque ces éléments, il n'y a aucune chance que nous nous associons.

Q: Quand vous parlez de culture et de valeurs, vous faites référence au fait que votre firme ne court pas après les plus gros profits possible, comme certains de vos concurrents. Or, aux États-Unis, ça va être difficile de trouver un partenaire qui partage ces idées. Les associés américains aiment beaucoup les profits!

R: Quand je dis valeurs, je parle d'intégrité, de collégialité entre les avocats, de porter intérêt aux gens avant toute chose. Mais je vais vous dire deux choses: un, il n'y a pas de solution magique, deux, nous aussi on aime les profits! C'est juste une question de degré.

Q: C'est sans doute un peu pour cette raison qu'au Canada, vous avez «combiné» avec Ogilvy Renault, un cabinet qui partage ces valeurs. Pourtant, dans le milieu, on chuchote qu'Ogilvy n'était pas votre premier choix...

R: Dans notre métier nous parlons à beaucoup de gens et oui, nous avons parlé à d'autres cabinets... mais pas à ce sujet! Dans notre esprit, Ogilvy Renault a toujours été en haut de la liste.

Q: Votre stratégie de croissance n'est pas seulement géographique: vous avez également regroupé vos ressources en secteurs industriels clés (institutions financières, énergie, infrastructures, technologie, transport, sciences de la vie). Pour quelles raisons?

R: Les clients aiment que leurs avocats comprennent leur business. Ça nous permet aussi de connecter ensemble beaucoup d'avocats, qui sont ainsi capables de se concentrer sur des industries semblables. Ça génère beaucoup d'intérêt au sein du cabinet, les avocats sont plus réceptifs.

Q: En fait, votre expansion géographique est liée à ces secteurs clés. L'Australie, le Canada, l'Afrique du Sud... trois pays très forts en ressources naturelles. On dit que vous lorgnez maintenant le Brésil...

R: C'est vrai, le Brésil est une place logique. Et il y a beaucoup de liens économiques avec le Canada. Mais ce n'est pas notre seul point de mire. On veut aussi accroître notre présence en Chine. C'est un marché trop important.

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