Le gouvernement fédéral se barde de coussins tellement épais qu'il sera sans aucun doute en mesure de renouer avec l'équilibre budgétaire dès 2014-2015, un an plus tôt que prévu.

Hier, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a réitéré l'objectif de retour à des excédents en 2015-2016, mais le faible manque à gagner de 300 millions prévu pour 2014-2015 a toutes les chances de se transformer en surplus. Même si Ottawa devait allonger d'ici là 2,2 milliards à Québec en guise de compensation pour l'harmonisation de sa taxe de vente à la TPS.

Pour l'exercice qui se termine le 31 mars, le déficit estimé en octobre à 45,1 milliards est ramené à 40,4 milliards, le prochain de 28,3 à 27,8 milliards, ce que d'aucuns estiment très prudent. Les économistes des banques Royale et TD l'évaluent à près de 22 milliards.

«Le plan que le gouvernement présente repose sur une estimation prudente de la croissance économique du Canada à court terme, a indiqué le ministre Flaherty. Ce plan traduit la démarche cohérente, responsable et équilibrée du gouvernement à l'égard de l'économie.»

Par prudence, le ministre réduit de 1,5 milliard par année l'augmentation de ses revenus. Ils sont estimés en fonction de la prévision moyenne des économistes du secteur privé de la croissance de l'économie en dollars courants (PIB nominal). «Ce rajustement pour le risque, lit-on dans le document du Plan budgétaire, tient compte de l'incertitude qui continue d'entourer les perspectives économiques mondiales.»

Le ministre assoit ses prévisions dans une confortable rembourrure qui surestime ses dépenses. Il lance l'initiative Examen stratégique et fonctionnel (ESF), qui épluchera des programmes évalués à 80 milliards dans le but d'en augmenter l'efficacité. Il vise des économies de 11 milliards d'ici à 2015-2016 grâce à l'ESF.

Le budget déposé hier ne prend pas en compte les économies que dégagera l'ESF, mais le gouvernement en présentera les résultats dans celui de l'an prochain. «L'Examen contribuera au rétablissement de l'équilibre budgétaire, qui pourrait être un an plus tôt, et fournira la marge de manoeuvre financière pour continuer de rembourser la dette et d'investir dans les priorités des Canadiens», lit-on également.

Moins d'impôts pour les sociétés

Sans piper mot, le ministre budgète la légère baisse de l'impôt sur le revenu des sociétés, annoncée l'année dernière, à compter du 1er janvier 2012.

Sur les 249,1 milliards de revenus escomptés en 2011-2012, l'impôt des particuliers en assurera 119,9 et celui des sociétés 32,1, ce qui équivaut à 7% du PIB.

En 2015-2016, sur des recettes fiscales de 309,2 milliards, leur contribution respective sera de 151,5 et 38,9 milliards, ou 7,4% et 1,9% du PIB prévu.

La croissance économique sera telle d'ici à 2015-2016 que le ratio de la dette sur le PIB repassera sous la barre des 30%, atteinte en 2006-2007, avec le retour à l'équilibre budgétaire. Entre-temps, pourtant, Ottawa aura accumulé quelque 161 milliards de dollars en déficits. La dette, quant à elle, aura gonflé à 611 milliards d'ici à 2015-2016.

Le ministre des Finances a souligné que l'assainissement des finances publiques sera réalisé, sans sabrer les transferts aux provinces et aux particuliers, comme l'avaient fait les libéraux. «En 2015-2016, le ratio des dépenses de programmes sur le PIB sera de 12,9%, le plus faible depuis que les conservateurs ont repris le pouvoir, note Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke. C'est encore plus, cependant, que le minimum atteint par Paul Martin dans sa lutte contre le déficit durant les années 90.»

Le Canada profite en outre de taux d'intérêt extrêmement avantageux qui lui permettent de limiter à 1,9% du PIB le service de sa dette. À 14,8% du PIB, les dépenses budgétaires totales sont les plus faibles depuis au moins 1960, souligne M. Godbout. «Sans faire d'éclat, on assiste à la mise en place d'une vision conservatrice où la présence de l'État dans l'économie est moins grande.»