La négociation d'un accord commercial entre le Canada et le Japon demeure un enjeu économique important pour les Nippons.

Et ce, malgré le décalage prévisible provoqué par les efforts publics qui sont nécessaires pour surmonter la crise du tremblement de terre et du raz-de-marée destructeurs de la semaine dernière.

Selon l'ambassadeur du Japon au Canada, Kaoru Ishikawa, la pertinence d'un tel accord bilatéral pourrait même se révéler plus significative à l'occasion d'importants travaux de reconstruction qui auront lieu au cours des prochaines années.

«Le Canada est déjà un des principaux fournisseurs du Japon en bois de construction, par exemple, de même qu'en aliments de base comme le blé et certains produits de la mer», a indiqué l'ambassadeur lors d'un entretien avec La Presse Affaires, hier à Montréal.

Plus tôt, lors d'un discours devant le Conseil des relations internationales de Montréal, l'ambassadeur du Japon a souligné que le Canada était aussi un fournisseur essentiel de charbon pour ses usines sidérurgiques et d'uranium pour ces centrales nucléaires, dont provient le tiers de l'électricité nippone.

Pour le Québec, le Japon est le deuxième marché d'exportation en Asie, après la Chine, et le deuxième marché au monde pour ses exportations agroalimentaires, après les États-Unis. Une cinquantaine de filiales d'entreprises japonaises génèrent aussi quelque 6000 emplois au Québec.

«Le Japon et le Canada sont interdépendants sur le plan économique», a repris M. Ishikawa en entrevue.

«Au-delà du réconfort et de la sympathie exprimés pour la catastrophe au Japon, et dont nous sommes très reconnaissants, il faut que la vie puisse suivre son cours. C'est pourquoi je dis à mes supérieurs à Tokyo de continuer les discussions commerciales avec le Canada.»

Discussions en cours

D'ailleurs, au moment du séisme de vendredi dernier, des émissaires japonais étaient en visite au Canada afin de poursuivre les discussions d'un accord commercial avec leurs homologues à Ottawa et à Toronto.

Mais pour la suite immédiate de ces échanges, l'ambassadeur Ishikawa appréhende un retard dû à la mobilisation des dirigeants politiques du Japon, qui se consacrent aux efforts de sauvetage et de reconstruction des infrastructures prioritaires dans le sillage de la catastrophe.

Une fois cette urgence surmontée, cependant, l'ambassadeur du Japon estime que la conclusion d'un accord commercial avec le Canada demeure possible «dans deux ou trois ans».

«Nous souhaitons plus qu'un simple accord commercial, mais bien un accord de partenariat économique qui aille plus loin que la question des tarifs douaniers. D'autant plus que nous savons de part et d'autre que certains tarifs n'iront sans doute jamais jusqu'à zéro», a indiqué l'ambassadeur.

Et qu'en est-il de la perception répandue chez les gens d'affaires d'ici selon laquelle il existe de nombreusesbarrières non tarifaires au Japon? L'ambassadeur répond qu'il s'agit d'une «perception exagérée» à son avis.

«Ce sujet est devenu presque un mythe idéologique dans le monde. Pourtant, parlez-en aux dirigeants d'entreprises canadiennes comme la Financière Manuvie, qui a développé des affaires importantes au Japon. Et dans le secteur de l'automobile, prenez un partenariat comme celui de Renault et Nissan. C'est rendu difficile de différencier ce qui est d'origine japonaise ou française dans cette entreprise.»

L'angoisse d'un diplomate

Même quand une catastrophe frappe son pays d'origine, un diplomate en poste à l'étranger doit s'efforcer de garder ses émotions en arrière-plan de ses fonctions officielles. Mais pour l'ambassadeur du Japon au Canada, Kaoru Ishikawa, il fut quand même un moment où certaines images lui ont « décroché le coeur comme individu », a-t-il avoué en entrevue.

«Toutes les images de la dévastation du tsunami sont difficiles. Mais c'est quand j'ai vu ces dizaines d'enfants réfugiés sur le toit de leur école et appelant à l'aide que j'ai été le plus ému», a raconté l'ambassadeur.

«Parce que le tremblement de terre et le tsunami sont survenus avant la fin des classes, le vendredi, ces écoliers ont pu se réfugier sur le toit des écoles construites plus solidement que la plupart des bâtiments résidentiels des alentours. Et de là, ils ont vu la dévastation se produire tout autour, emportant leur quartier et leurs maisons familiales. C'est une expérience horrible pour des enfants, d'autant plus que plusieurs d'entre eux risquent maintenant d'être orphelins.»

Au-delà des messages de réconfort et de l'aide à court terme, l'ambassadeur du Japon souhaite que les Canadiens demeurent attentifs au sort de ces enfants éprouvés par la tragédie.

«Ces enfants devront vivre longtemps avec ces souvenirs horribles. Pour les soulager, au-delà des secours immédiats, je souhaite que le Canada puisse participer à des initiatives de soutien à leur égard. Des séjours de vacances ou d'études, par exemple.»