Le yen a atteint un record historique face au dollar mercredi, montant à son plus haut niveau depuis la Seconde Guerre mondiale et effaçant ainsi son précédent sommet touché en avril 1995.

La devise nippone valait 77,94 yens pour un dollar contre 80,73 yens mardi vers 22h GMT (18h à Montréal).

Il est allé jusqu'à 76,99 yens, son plus fort niveau depuis l'après guerre.

Une fois franchi le seuil plancher d'avril 1995, lorsque le dollar était tombé à 79,75 yens, la chute a été spectaculaire, avant que le dollar ne se redresse un peu.

«L'aggravation de la crise nucléaire japonaise et les inquiétudes persistantes au sujet du coût de la reconstruction de l'économie japonaise après le séisme alimentent des craintes de voir les investisseurs (japonais) rapatrier en masse» leurs fonds investis à l'étranger, a observé Nick Stamenkovic, analyste chez RIA Capital Markets.

La crainte d'une escalade de la menace nucléaire au Japon a mis les investisseurs sur les dents, quatre jours après le séisme et le tsunami qui ont ravagé la région nord-est du pays, poussant les investisseurs à se débarrasser de leurs investissements les plus risqués.

«Le marché boursier a chuté (aux États-Unis), le rendement du bon du Trésor à 10 ans a reculé, tout cela indique une certaine peur dans le marché», a souligné Mary Nicola, de BNP Paribas.

Le raffermissement du yen ne se fait «pas sur des éléments fondamentaux mais plus selon les flux de rapatriement et sur l'abandon d'investissements à haut rendement financés par le yen», a souligné de son côté Samarjit Shankar, de BNY Mellon.

Les taux d'intérêts au Japon étant proches de zéro depuis des années, les investisseurs avaient pris pour habitude d'emprunter du yen pour financer des investissements bien plus rémunérateurs. Depuis le séisme, ils se débarrassent de ces positions jugées risquées et se trouvent donc en possession de yens, a expliqué l'analyste.

«Cela reflète la suppression du facteur risque» dans la démarche des investisseurs, a résumé de son côté David Gilmore, de Foreign Exchange Analytics.

Pour les analystes de Nomura, les Japonais pourraient avoir commencé à rapatrier des fonds investis à l'étranger pour reconstruire leur pays.

«Malgré les dommages massifs infligés à l'économie, nous ne considérons pas (le séisme) comme un facteur d'affaiblissement du yen à court terme en raison de l'importance du facteur risque dans les flux de capitaux au Japon», ont-il indiqué dans une note.

«L'aversion au risque implique des sorties de capitaux moins importantes et comme le Japon est un créancier net, l'aversion au risque peut même provoquer le rapatriement de fonds investis à l'étranger», ont-il précisé.

La devise nipponne s'est fortement appréciée malgré les interventions répétées de la Banque du Japon (Bon), qui tente de stabiliser les marchés depuis la catastrophe.

L'institution a encore injecté 5000 milliards de yens (44 milliards d'euros) sur le marché monétaire mercredi pour soutenir l'économie, portant à 28 000 milliards de yens (245 milliards d'euros) les montants injectés depuis lundi.

Cette arrivée de liquidités massive aurait dû avoir pour effet de diluer la monnaie japonaise et donc l'affaiblir face aux autres devises.