Le feuilleton Cinar est de retour devant les tribunaux. Au banc des accusés: quatre hommes soupçonnés de fraude, de faux et d'usage de faux ainsi que d'avoir produit de faux prospectus. Deux d'entre eux ont comparu hier, puis ont été libérés sous caution. Un autre serait sur le point de se livrer. Mais aucune trace de Ronald Weinberg. Le cofondateur de Cinar manque toujours à l'appel.

Deux des accusés dans l'affaire Cinar ont comparu en Cour, hier, menottes aux poignets, pendant que les deux autres étaient apparemment toujours à l'extérieur de la région de Montréal.

L'ex-chef des finances de Cinar, Hasanain Panju, et l'ex-PDG de Mount Real, Lino Pasquale Matteo, ont été arrêtés mercredi, le premier en Ontario et le second à Montréal. Hier, le juge Jean-Pierre Boyer a accepté de les mettre en liberté à certaines conditions.

D'abord, tous deux ont dû verser une caution de 50 000$ chacun et s'engager à remettre leur passeport dans les plus brefs délais. De plus, ils ne peuvent faire aucune transaction financière et ne doivent communiquer avec aucun des autres accusés.

La Presse a tenté de joindre les deux autres accusés, Ronald Weinberg et John Xanthoudakis, sans succès. Toutefois, Bill Urseth, proche de M. Xanthoudakis, a affirmé qu'il se livrerait à la police prochainement. «Il rencontrera les autorités policières au cours des prochains jours ou dans une semaine. La Sûreté du Québec sait où il est, où il demeure, quand et comment il reviendra. Ils savent tout cela. Ils lui ont parlé hier (mercredi)», a affirmé M. Urseth, qui dit ne pas savoir où se trouve M. Xanthoudakis.

Selon M. Urseth, John Xanthoudakis a été surpris par les accusations. Il cherche un avocat criminel pour le conseiller.

Une autre source affirme avoir vu John Xanthoudakis, il y a un mois, à l'angle des boulevards Marcel-Laurin et de la Côte-Vertu, à Saint-Laurent. À la SQ, la porte-parole Annie Mathieu affirme n'avoir aucune idée de l'endroit où se trouve M. Xanthoudakis, mais elle ne peut nous dire si la SQ a communiqué avec lui.

Quant à Ronald Weinberg, qui a la double nationalité canadienne et américaine, Radio-Canada affirme qu'il se terre en Floride. Hier, son avocat civil, Jean Lozeau, a dit n'avoir pu le joindre, et son avocat criminaliste, Raphaël Schacter, n'a pas rappelé La Presse.

36 chefs d'accusation

Les quatre hommes sont accusés sous 36 chefs de fraude, de faux et d'usage de faux ainsi que d'avoir produit de faux prospectus. Environ 120 millions de dollars américains auraient été détournés aux Bahamas à l'insu du conseil d'administration de Cinar, et seule une partie des fonds a été remboursée. Les faits, pour la plupart, se seraient déroulés entre 1997 et 2001. Un chef d'accusation s'étend jusqu'en 2005.

Les infractions ont été commises au Canada, aux Bahamas et aux États-Unis (Floride). «Ça complique le travail des policiers quand il y a plusieurs juridictions», a dit la procureure de la Couronne, Céline Bilodeau, pour justifier la durée de l'enquête (huit ans).

Hier, Lino Matteo s'est présenté en Cour les traits tirés et les cheveux en bataille, vêtu d'un manteau léger malgré le froid. Il a demandé le soutien de l'aide juridique. On lui a accordé la liberté moyennant une garantie hypothécaire de 50 000$ sur sa maison de Ville-Émard, à Montréal, qui est au nom de sa femme. L'avocat George Caliritis s'est engagé à le représenter, mais il doit d'abord évaluer si l'accusé est admissible à l'aide juridique.

Le juge Boyer a interdit aux deux accusés de communiquer avec trois personnes impliquées de près dans cette affaire: Robert Daviault, Thomas Muir et Mario Ricci.

Selon toute vraisemblance, ces trois personnes seront appelées à témoigner sur les agissements des quatre accusés. Robert Daviault a déjà rendu des témoignages révélateurs sur cette affaire en 2004 dans le contexte de la faillite du groupe Globe-X, sur le compte duquel les fonds de Cinar ont été virés, aux Bahamas. Ces témoignages avaient toutefois été faits en vertu des lois sur la faillite et ne peuvent servir de preuve au criminel.

Thomas Muir est une vieille connaissance de John Xanthoudakis et de Lino Matteo. Il était l'administrateur d'un très grand nombre d'entreprises liées à Norshield, aux Bahamas. Selon le témoignage de Daviault, Muir aussi a participé au camouflage des fonds de Cinar, en 2000.

Quant à Mario Ricci, il était le comptable adjoint de Hasanain Panju à Cinar. Son nom se trouve dans des documents qui ont été créés pour faire une transaction de change fictive au bénéfice du couple Charest-Weinberg et au détriment des actionnaires de Cinar.