On s'inquiète beaucoup de la santé financière des futurs retraités québécois, non sans raison. Pratiquement absent du débat, le compte d'épargne libre d'impôt (CELI) est pourtant un outil essentiel dans le coffre de l'épargne retraite pour la plupart des contribuables.

Pourquoi en est-il ainsi? Le régime fiscal canadien comporte de nombreux avantages sociaux dont l'admissibilité est fondée sur le revenu du retraité. Ces dispositions font en sorte que le vrai taux d'imposition du dernier dollar gagné à la retraite est plus élevé que durant la vie active plus souvent qu'on ne le pense généralement, soutient une étude du CD Howe Institute.

Dans un tel cas, les cotisations au CELI passent au premier rang, devant celles au REER.

«En continuant à mettre de l'argent de côté dans les régimes enregistrés d'épargne-retraite classiques, au lieu de cotiser à un CELI, les Canadiens semblent obsédés par le remboursement d'impôt immédiat associé aux cotisations REER. Ils pourraient toutefois y perdre au change une fois venu le moment de la retraite», écrit Jamie Golombek, directeur gestionnaire à Gestion privée de patrimoine CIBC, qui a repris l'idée du C.D. Howe dans un rapport paru en 13 janvier dernier.

Le CELI comme solution aux problèmes de retraite des Québécois? Claude Castonguay, fellow invité au CIRANO, en doute cependant. «Depuis l'instauration des REER, dans les années 50, l'approche volontaire n'a pas donné de résultats, malgré toutes les campagnes REER. Il me semble qu'il faudrait rendre une partie de l'épargne obligatoire», dit-il dans un entretien.

M. Castonguay vient de publier Le point sur les pensions, dans lequel il propose la mise en place d'un REER obligatoire pour les travailleurs non couverts par une caisse de retraite de leur employeur. De 30% à 40% des individus n'auront pas à l'avenir un revenu satisfaisant à la retraite, écrit-il.

Néanmoins, Fabien Major, président de Major gestion d'actif, cabinet en sécurité financière, reste persuadé que le CELI a un rôle à jouer par rapport au REER.

Contrairement à la situation des REER, les retraits au CELI ne sont pas considérés comme un revenu, ils n'ont aucune incidence sur le total des prestations et crédits fondés sur le revenu.

Des exemples? La prestation de sécurité de la vieillesse d'une valeur maximale de 6291$ commence à diminuer quand on a un revenu de 67 668$ et disparaît complètement lorsque le revenu atteint les 109 607$. C'est le même principe pour le supplément de revenu garanti d'une valeur de 7940$ pour une personne seule, en raison de l'âge et du crédit pour la TPS.

Quand privilégier le CELI? Voici cinq cas de contribuables pour qui le CELI mérite d'être privilégié comme outil d'épargne-retraite.

Les personnes seules

Le professeur à la retraite Claude Laferrière a présenté en 2009 une étude sur les taux effectifs marginaux d'imposition (TEMI) applicables aux particuliers. Les TEMI calculent le taux d'imposition du dernier dollar gagné. Il en ressort que les taux effectifs marginaux d'imposition des personnes seules de 65 ans et plus sont presque toujours supérieurs à ceux des personnes seules de moins de 65 ans. Dans leur cas, manifestement, le CELI doit être privilégié.

Les gagne-petit

Les travailleurs à faible revenu ne paient pas ou peu d'impôt, ce qui rend les REER inintéressants. Produit d'épargne après impôt, le CELI ne souffre pas de ce défaut et sa souplesse le rend attrayant auprès de cette clientèle susceptible de connaître la précarité, fait remarquer Fabien Major. L'épargnant peut retirer une somme en franchise d'impôt en tout temps.

Les jeunes travailleurs

On débute dans la vie active, les salaires sont au plancher. Il est plus judicieux pour les jeunes contribuables de placer temporairement l'argent dans un CELI, laisser les droits de cotisation REER s'accumuler et, plus tard, retirer des sommes du CELI pour les placer dans le REER. Ce faisant, ils auront maximisé l'économie d'impôt associée au REER tout en maximisant l'espace dans le CELI.

Les bénéficiaires d'un régime de retraite

À tort, on croit que les CELI ne sont bons que pour les hauts revenus. Un travailleur sur cinq dans le privé au Québec bénéficie d'un régime qui lui garantit une rente à la retraite. «On peut prévoir que le taux d'impôt à la retraite de cette personne sera élevé. Dans ce cas, l'épargne REER est déduite à haut taux, mais cette personne va la décaisser à la retraite à haut taux aussi. Cela favorise le CELI», dit Louis-Philippe Toupin, directeur régional au bureau de Brossard du Groupe Investors.

Les retraités, surtout ceux de plus de 71 ans

Un retraité de plus de 71 ans n'a plus le droit de cotiser à un REER. Il profitera du CELI pour continuer à faire fructifier ses épargnes à l'abri de l'impôt.

«Le CELI a sa place comme complément de revenu de retraite pour financer des projets spéciaux comme un voyage en Inde, donne en exemple M. Toupin. Aller chercher les 12 000$ dans son REER, c'est ennuyeux. En puisant les fonds dans son CELI, le voyage va coûter 12 000$ au lieu de 18 000$.»

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Qu'est-ce que le CELI?

Le compte d'épargne libre d'impôt a vu le jour le 1er janvier 2009. Il permet à tout Canadien d'au moins 18 ans de déposer dans un régime à l'abri de l'impôt jusqu'à 5000$ par année. Les cotisations inutilisées sont reportées aux années ultérieures. Les sommes retirées sont ajoutées aux droits de cotisation l'année suivant le retrait. Comme le CELI en est à sa troisième année d'existence en 2011, c'est donc 15 000$ que la plupart d'entre nous peuvent déposer dans un CELI.



Les chiffres depuis son lancement


4,8 millions de Canadiens ont ouvert un CELI

Taux de participation: 20%

Épargne canalisée: 19 milliards

Sources: ministère des Finances du Canada, décembre 2010; CIBC, janvier 2011