Si vous vous posez la question, voici quelques bonnes raisons de le faire...

«Une des premières raisons, c'est l'espérance de vie», dit Richard La Ferrière, chef de région chez Planification financière TD Waterhouse.

Parvenu à 65 ans, un homme a une chance sur deux de vivre jusqu'à 85 ans, et une femme autant de probabilités d'atteindre 89 ans, selon les Normes de projection de l'Institut québécois de planification financière. Dans le cas de deux conjoints de 65 ans, il y a 50% de chances (ou de risques, selon le point de vue) que l'un ou l'autre soit encore vivant à 90 ans.

«L'autre statistique, c'est que dans les années 70, l'espérance de vie était d'environ 75 ans, ajoute le planificateur financier. Les gens prenaient leur retraite à 65 ans, ils avaient donc 10 ans de retraite à financer.» Au terme de 40 ans sur le marché du travail, le rapport entre les années de vie active et de retraite était donc de 40 pour 10.

«De nos jours, on vit plus vieux et on veut prendre sa retraite plus tôt», souligne encore Richard La Ferrière.

Avec une retraite à 60 ans et un décès à 90 ans, le rapport s'approche de 35 ans de vie active pour 30 ans de retraite. On a donc moins de temps pour accumuler l'épargne nécessaire à une retraite plus longue.

Arrivant plus jeunes et en meilleure santé à la retraite, les retraités ont maintenant plus de projets et d'activités, lesquels sont plus coûteux que la berceuse et la pipe qu'affectionnaient autrefois les retraités usés par le travail. «Les gens veulent une deuxième vie» souligne Richard La Ferrière. Et cette nouvelle vie doit être d'un niveau comparable à la précédente.

Il résume: «Comment vais-je m'assurer d'avoir suffisamment de revenus pour maintenir le style de vie que je veux à la retraite?»

À défaut de préparation adéquate, les désillusions risquent d'être amères.

Quel revenu faudra-t-il?

Quelle proportion du revenu de travail faudra-t-il remplacer à la retraite? Comme ordre de grandeur, le chiffre d'un taux de remplacement de 70% circule fréquemment. Cette diminution des besoins s'explique par un taux d'imposition vraisemblablement moins élevé, la disparition des cotisations syndicales, des frais pour les vêtements de travail et le transport. Mais pour les cas particuliers, Richard La Ferrière, comme plusieurs planificateurs financiers, préfère faire un exercice de projection basé sur les dépenses actuelles véritables des épargnants. En soustrayant les dépenses qui disparaîtront à la retraite et en additionnant celles qui apparaîtront, il obtient une image beaucoup plus réaliste des besoins de revenus.

Dans son étude intitulée Le point sur les pensions, présentée le 11 janvier dernier, Claude Castonguay rejette lui aussi la proportion de 70%, estimant qu'il «n'existe aucun fondement scientifique à l'appui d'un tel taux».

«Cette approche ne tient pas compte du fait que la personne ou le couple n'ont généralement plus d'enfants aux études et sont devenus propriétaires au cours de leur vie», observe-t-il dans son étude. En outre, au sein d'un couple, le partage de certaines dépenses fixes réduit le besoin du ménage.

Par conséquent - mais sans plus de fondement scientifique apparent -, pour les besoins de son analyse, il place l'objectif à 60% pour une retraite prise à 65 ans. La barre est placée moins haut, mais pas aisément accessible pour autant.

D'où proviendra-t-il?

1- Les rentes publiques

Vous comptez sur les seules rentes de l'État? Les régimes publics, la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV) et le Régime de rentes du Québec, ne permettent pas aux retraités de maintenir leur niveau de vie une fois à la retraite, à l'exception des personnes à faible revenu qui gagnaient moins de 25 000$.

Au début de 2011, la Pension de la sécurité de la vieillesse fédérale verse une pension maximale de 6290$ aux Canadiens de 65 ans.

Pour les personnes à faible revenu, le Supplément de revenu garanti (SRG) y ajoute, toujours au premier trimestre 2011, un maximum de 7940$ pour un célibataire et de 10 435$ pour un couple de pensionnés, ces sommes diminuant avec les revenus. Le SRG cesse d'être payé lorsque les revenus atteignent 15 888$ (excluant la PSV) pour une personne seule et 20 880$ pour un couple de pensionnés.

Au début de 2009, environ un demi-million de Québécois touchaient le SRG.

«Ce qui signifie que les revenus de près de la moitié des 65 ans et plus n'étaient pas suffisamment élevés pour que ces personnes puissent se suffire à elles-mêmes», indique Claude Castonguay dans Le point sur les pensions.

L'autre régime public est la Régie des rentes du Québec. Elle fournit à la retraite l'équivalent de 25% des revenus de travail admissibles. Employeurs et employés y contribuent à parts égales en proportion de 9,9% d'un revenu maximal admissible fixé à 48 300$ en 2011 (moins une exemption générale de 3500$).

Selon les chiffres présentés par M. Castonguay, avec la PSV et la RRQ, une personne seule dont le revenu moyen de carrière s'établit à 60 000$ remplacerait à la retraite 33% de ce revenu. Le taux de remplacement serait de 50% pour deux conjoints dont chacun avait un revenu moyen de carrière de 30 000$. On est loin des 60%.

2- Les régimes complémentaires

Les régimes complémentaires de retraite mis sur pied par les employeurs? Vous êtes chanceux si vous en avez un. Le rapport de Claude Castonguay rappelle que le nombre de ces régimes d'employeurs au Québec est passé de 6964 en 1985 à 2870 en 2009. En 2009, 62% des travailleurs québécois ne participaient à aucun régime complémentaire de retraite.

Et vous êtes encore plus chanceux s'il s'agit d'un régime à prestations déterminées, c'est-à-dire dont les prestations de retraite sont fixées par le régime et sont versées jusqu'au décès, avec ou sans ajustement au coût de la vie.

Les uns après les autres, les régimes d'employeurs à prestations déterminées se transforment en régimes à cotisations déterminées.

Vous n'avez aucun régime complémentaire de retraite? Il faudra compter sur votre épargne pour maintenir une part raisonnable de votre niveau de vie. À 65 ans, pour conserver des revenus bruts de 55 000$ jusqu'à 90 ans, en supposant un rendement de 6,4%, il faut avoir accumulé des épargnes de 652 000$, indique Richard La Ferrière.

3-Travail et vente de propriété

Vous prévoyez travailler à temps partiel pour arrondir vos revenus de retraite, dites-vous?

«De ceux qui disent vouloir travailler durant leur retraite, seulement 13% le font effectivement», observe Richard La Ferrière, citant un sondage mené pour le compte de son institution. Chez ceux qui ne donnent pas suite à leurs intentions, 47% ont des problèmes de santé, 9% doivent prendre soin d'un proche et 44% sont incapables de trouver un emploi.

«La réalité, c'est que le marché du travail se restreint», constate-t-il.

Vous comptez vendre votre propriété? Il faudra tout de même vous loger, payer un loyer. Un logement de trois pièces en résidence coûte aisément 1500$ par mois. Lorsque des soins prolongés deviennent nécessaires, les coûts explosent. La vente de votre propriété servira davantage à continuer à vous loger qu'à maintenir votre style de vie.

Pas de panique

Cela dit, il ne s'agit pas de faire peur aux futurs retraités, mais de dissiper les illusions que certains pourraient nourrir.

Dans le doute - ou même dans une certitude peut-être mal fondée -, faites une prévision de revenus de retraite. Vous pourrez faire l'exercice avec un planificateur financier compétent ou avec un outil comme SimulRetraite, qu'offre la RRQ sur son site (www.rrq.gouv.qc.ca).

Car comme le rappelle Richard La Ferrière, «la retraite dorée n'a pas la même couleur pour tout le monde».