Nous sommes au début de l'année 2008, les marchés boursiers sont vigoureux, les taux d'intérêt sont très bas. Comme bien d'autres, Pierre B. ne peut résister à la tentation. Il investit la totalité des 200 000$ accumulés dans son REER sur les marchés boursiers. Pas un sou dans les CPG (certificats de dépôt) ou les obligations. Ça ne rapporte pas assez.

Il se croit en sécurité, car ses économies en vue de la retraite sont investies dans les actions des grandes banques et des compagnies d'assurances, ainsi que dans quelques blue chips triés sur le volet.

On peut imaginer rapidement ce qui lui est arrivé. À peine un an plus tard, son REER valait tout juste 80 000$.

Au stress causé par les pertes s'est ajouté celui de ne plus savoir quoi faire. Devait-il tout liquider avant de tout perdre, ou devait-il vivre dans l'espoir d'une remontée éventuelle des marchés?

L'histoire de Pierre B., vécue aussi par des milliers d'autres épargnants, illustre bien la nécessité d'équilibrer son portefeuille en détenant des titres à revenu fixe. Mieux équilibré, son portefeuille aurait maintenant une valeur d'environ 150 000$ malgré la pire dégringolade boursière depuis celle des années 30.

La proportion de titres à revenu fixe dans votre portefeuille peut varier selon votre âge, vos objectifs de placement et votre tolérance au risque. «Mais une chose est certaine, ils ont toujours une place dans tous les portefeuilles», affirme Daniel Gladu, planificateur financier à la Banque BMO.

Quels sont alors les produits que vous devez utiliser?

D'abord les CPG. Ce sont des certificats de dépôt garantis émis par les grandes institutions financières. La Société d'assurance dépôts garantit le remboursement jusqu'à concurrence de 100 000$.

Ils sont offerts pour des échéances d'un à cinq ans, et les taux d'intérêt varient actuellement entre 1% et 3% selon l'échéance. Bien que le rendement soit relativement faible, ces CPG sont intéressants si vous prévoyez décaisser de l'argent de votre REER durant les deux prochaines années, explique Guylaine Dufresne, directrice de la planification financière à la Banque Laurentienne. Ils vous assurent que les fonds seront là lorsque vous en aurez besoin.

L'outil principal des portefeuilles de revenu fixe demeure bien sûr les obligations. Et elles sont nombreuses. Il y a des obligations de gouvernement ainsi que de société, et les échéances peuvent varier de 2 à 30 ans. Les taux seront différents selon l'échéance, mais aussi selon la qualité du crédit de l'emprunteur.

Par exemple, on reconnaît que les obligations du gouvernement fédéral sont moins risquées que celles d'une société telle, disons, BCE. Par conséquent, les intérêts versés seront moindres. Généralement, plus l'échéance est longue, plus le taux sera élevé, encore là pour tenir compte du risque.

Les fonds d'obligations

Gérer un portefeuille n'est pas chose simple. L'investisseur qui le désire peut en confier la gestion à des experts simplement en achetant un fonds d'obligations. Toutefois, la période n'est pas très propice pour le faire, prévient Michel Doucet, vice-président et gestionnaire de portefeuilles à Valeurs mobilières Desjardins. «Parce que les taux de rendement sont bas, les frais de gestion viennent gruger une partie importante du rendement», dit-il. Il est donc préférable actuellement de détenir directement ses obligations, selon lui.

Pour éviter de payer des frais de gestion trop élevés, il y a les fonds d'obligations négociés en Bourse. Ce sont des fonds que vous achetez et revendez à la Bourse comme s'il s'agissait d'actions. Les frais de gestion sont beaucoup moins élevés, mais vous devrez payer une commission à l'achat et à la vente.

Autre nuance importante: un fonds d'obligations n'a pas d'échéance et ne comporte pas de garantie quant à la somme que vous obtiendrez lorsque vous le revendrez, explique Guy Côté, vice-président à la Financière Banque Nationale. Lorsque vous achetez une obligation, vous savez qu'à l'échéance, vous allez récupérer la totalité du capital investi.

Les titres hybrides

Jamais en manque d'imagination, les services d'ingénierie des institutions financières ont créé de nombreux titres hybrides. On les appelle ainsi parce que ces titres comportent une garantie de capital à l'échéance, tels un CPG ou une obligation, mais leur rendement varie en fonction de l'évolution des marchés boursiers.

Parce que les taux d'intérêt sont bas, ces produits ont leur place dans la partie des titres à revenu fixe du portefeuille, selon Daniel Gladu.

Mais il importe de bien comprendre comment les rendements sont calculés. Généralement, ils dépendent de l'évolution d'un indice boursier ou d'un ensemble de titres durant une certaine période de temps. Il faut donc saisir le bon moment pour acheter ces titres, car le rendement peut être nul si la performance des marchés est négative. Par exemple, tous ceux qui ont acheté ces titres avant 2008 ne recevront aucun rendement à cause de la dégringolade des marchés lors de la crise financière. Toutefois, ils récupéreront la totalité du capital à l'échéance.

Sophistication plus élevée

Il existe aussi plusieurs produits adaptés à différentes situations qui permettent d'obtenir un meilleur rendement dans certains contextes de marché. Compte tenu des conditions actuelles, Guy Côté et son collègue Stéphane Côté, gestionnaires de portefeuilles à la Banque Nationale Financière, suggèrent de structurer le portefeuille de revenu fixe en utilisant principalement trois types de produits. D'abord, les coupons détachés au lieu des obligations. Vous avez la même échéance et vous jouissez de la même garantie, mais vous profitez également du phénomène de l'intérêt composé. Les coupons détachés s'achètent au rabais et sont encaissés à leur pleine valeur nominale à l'échéance. Contrairement aux obligations qui versent des intérêts tous les six mois, ils ne versent pas d'intérêts réguliers. La totalité des intérêts est versée à l'échéance. Ensuite, les gestionnaires suggèrent d'investir dans les obligations de sociétés à court terme par l'achat d'un fonds négocié en Bourse. Les obligations de société offrent un taux plus élevé, mais il importe d'être bien diversifié, ce que permet l'achat d'un fonds plutôt que l'achat d'obligations individuelles. Parce que les taux d'intérêt risquent d'augmenter, il importe également de choisir un fonds qui détient des obligations à court terme, d'un à cinq ans. Les gestionnaires de la Financière suggèrent le fonds du fabricant Claymore (CBO à la Bourse de Toronto). Enfin, pour se prémunir contre l'inflation, ils suggèrent d'utiliser les obligations à rendement réel. Ce sont des obligations dont les coupons d'intérêt et le capital sont indexés à l'indice des prix à la consommation. Là aussi, l'investissement peut se faire par l'intermédiaire d'un fonds négocié en Bourse. Guy et Stéphane Côté privilégient le fonds dont le symbole boursier est XRB.

Le risque des obligations

Vous est-il arrivé de constater, à la réception de votre état de compte, que la valeur de votre portefeuille d'obligations avait diminué et de vous demander pourquoi? Le rendement total d'une obligation est composé des intérêts ainsi que du gain ou de la perte en capital occasionné par la variation du prix de l'obligation. Le prix d'une obligation varie inversement au taux d'intérêt. Lorsque les taux montent, le prix des obligations baisse et inversement. Cela se traduit sur la valeur des portefeuilles d'obligations. Les banques centrales, on le sait, ont été très accommodantes depuis le début de la crise financière en maintenant les taux directeurs tout près de zéro. Cela a permis aux taux sur les obligations de se maintenir relativement bas. Mais cela pourrait changer en 2011 si la reprise économique est au rendez-vous. Les taux canadiens remonteront durant la deuxième moitié de l'année, prévoit Gilles Chouinard, premier vice-président, revenu fixe chez Natcan. Ils augmenteront de 0,50% à 0,75%, selon lui. Le taux d'une obligation de 10 ans du gouvernement du Canada est actuellement d'environ 3,25%. Une hausse de 0,50% du taux fera baisser le prix de l'obligation de plus de 3%, estime M. Chouinard. Ainsi, le rendement total de cette obligation de 10 ans pour l'année 2011 sera nul. La perte en capital sera aussi grande que les intérêts reçus. C'est là que réside le risque des obligations. L'effet d'une hausse de taux sur le prix de l'obligation est moindre quand l'échéance est plus courte, par exemple 5 ans au lieu de 10 ans. Il est préférable d'acheter des obligations plus courtes cette année si vous croyez, comme M. Chouinard, que les taux risquent effectivement d'augmenter.

Photo François Roy, La Presse

La proportion de titres à revenu fixe dans votre portefeuille peut varier selon votre âge, vos objectifs de placement et votre tolérance au risque. «Mais une chose est certaine, ils ont toujours une place dans tous les portefeuilles», affirme Daniel Gladu, planificateur financier à la Banque BMO.