Le fraudeur en cravate le plus célèbre du Québec, Vincent Lacroix, sortira de prison le 27 janvier prochain. L'ex-PDG de Norbourg, incarcéré depuis octobre 2009 à la prison de Sainte-Anne-des-Plaines, a obtenu une libération conditionnelle au sixième de sa peine, a annoncé hier la Commission des libérations conditionnelles du Canada. La Commission lui impose six mois de travaux communautaires mais lui interdit d'entamer des études comme il le souhaitait.

À compter de jeudi prochain, Vincent Lacroix, 44 ans, séjournera dans une maison de transition durant trois ans avant sa libération conditionnelle complète le 7 février 2014, au tiers de sa sentence criminelle pour fraude.

Dans quelle ville Vincent Lacroix passera-t-il les trois prochaines années de sa vie en maison de transition sous la supervision du gouvernement fédéral? « Nous ne pouvons pas dévoiler cette information », dit Jean-Yves Roy, porte-parole de Service correctionnel Canada.

La libération conditionnelle de Vincent Lacroix a été accueillie avec déception mais aussi avec détachement par ses certaines de ses 9200 victimes, qui veulent refaire leur vie et leurs finances sans constamment penser à l'ex-PDG de Norbourg qui a floué 113,5 millions de dollars à ses clients.

À la mort de son fils, Jean-Guy Houle a investi dans Norbourg l'héritage de 195 000 $ légué à ses deux petites-filles. Il ne veut plus entendre parler de Vincent Lacroix. « Ça a été un combat de cinq ans et cinq mois, dit-il. J'ai une overdose de Vincent Lacroix. Plus loin il s'en va, mieux ça va être. Qu'il s'en aille aux îles Mouk-Mouk, mais pas aux îles Caïman par contre... »

Le chirurgien plasticien Wilhelm Pellemans, une victime de Norbourg qui a introduit le recours collectif contre l'Autorité des marchés financiers, KPMG et Northern Trust, trouve dommage que Vincent Lacroix ait pu bénéficié d'une libération conditionnelle automatique au sixième de sa peine en tant que criminel non-violent à sa première condamnation.

« Je trouve cette libération prématurée, car M. Lacroix a créé des dommages irréparables, dit Wilhelm Pellemans. Notre système de justice dit que les crimes violents sont pires que les crimes économiques, mais il y a autant de dégâts, même s'il n'y a pas de douleur physique. On devrait peut-être changer ces règles, mais pour l'instant, on doit accepter que les règles en vigueur doivent être appliquées à tout le monde. On peut se consoler en pensant que Vincent Lacroix n'est plus qu'un petit monsieur, un peu minable, qui ne compte plus pour grand-chose. »

Le gouvernement Harper n'a pas voulu commenter sur la libération conditionnelle de Vincent Lacroix. Il a toutefois introduit un projet de loi qui rendrait plus difficile la libération automatique au sixième de la peine. « Les fraudeurs sérieux qui sont libérés au sixième de leur peine est une situation inacceptable pour les Canadiens. Les criminels doivent rester derrière les barreaux, pas en liberté dans la rue avant d'avoir purgé toute leur peine », dit Christopher McCluskey, attaché de presse du ministre fédéral de la Sécurité publique, Vic Toews.

Couvre-feu et travaux communautaires

En maison de transition, Vincent Lacroix devra vraisemblablement respecter un couvre-feu et ne pourra pas consommer d'alcool dans son nouveau domicile. Il doit aussi faire six mois de travaux communautaires.  

« La Commission est toujours d'avis qu'il est raisonnable et nécessaire que vous concentriez vos efforts sur les projets communautaires afin d'intégrer des valeurs prosociales centrées sur l'altruisme et la contribution à la société. Vous devez appronfondir votre conscience sociale et vous éloigner des valeurs matérialistes », écrivent les commissaires Pierre Cadieux et Michel Pallascio dans leur décision.

Comme conditions de libération, la Commission lui a interdit d'occuper un emploi de gestionnaire ou le plaçant en position d'autorité, d'occuper un emploi dans le domaine de la finance et de communiquer avec ses ex-complices. Cinq anciens employés de Norbourg subissent actuellement leur procès criminel, qui devrait prendre fin le mois prochain.

L'ex-PDG de Norbourg a écopé d'une peine criminelle de 13 ans et d'une peine pénale de cinq ans moins un jour en vertu d'infractions à la Loi sur les valeurs mobilières. Il est entré une première fois en prison le 28 janvier 2008 et a été libéré dans une maison de transition au sixième de sa sentence pénale le 21 juillet 2009. Le 9 octobre 2009, il a repris le chemin de la prison quand il a été condamné au criminel à 13 ans de prison. Il était admissible à une libération conditionnelle au sixième de sa peine totale, soit le 27 janvier 2011. La peine de Vincent Lacroix se termine officiellement le 26 janvier 2026.

Plus tôt cette semaine, les victimes de Norbourg ont conclu un règlement à l'amiable de 55 millions de dollars avec notamment l'Autorité des marchés financiers, le gardien de valeurs Northern Trust et la firme de comptables KPMG. Avec cette entente, ils récupèrent l'ensemble de leur argent investi dans Norbourg. « Les 9200 investisseurs ont reçu à la fois une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle cette semaine », philosophe Wilhelm Pellemans.