La fusion de deux cabinets régionaux crée un nouveau géant canadien des services juridiques. Encore un !

D'habitude, ça se passe sur un terrain de golf ou dans le bureau feutré d'un gratte-ciel. Mais, en décembre 2009, c'est plutôt dans un Starbuck du centre-ville de Toronto, pas très loin du Temple de la renommée du hockey, que les patrons de deux grands cabinets d'avocats avaient choisi de se rencontrer. C'est là, devant un café latte et un chocolat chaud, qu'Andrew Kent, de McMillan, et Robert Cranston, de Lang Michener, ont amorcé leurs fréquentations. Elles ont duré 11 mois et ont abouti la semaine dernière par l'annonce du mariage de leurs cabinets.

«On croit que nos clients seront mieux servis avec le regroupement de nos deux firmes», dit Andrew Kent, 57 ans, qui, dès janvier, prendra la direction du cabinet fusionné. Me Kent était de passage la semaine dernière dans les bureaux montréalais de McMillan, où il a reçu La Presse en compagnie du patron du bureau de Montréal, Me Charles Chevrette.

Le nouveau McMillan - c'est le nom qui a été retenu - comptera plus de 400 avocats, et aura une présence plus importante sur la scène juridique nationale avec des bureaux à Vancouver, Calgary, Toronto, Ottawa, Montréal et Hong-Kong. Instantanément, il deviendra le 11e cabinet au Canada selon le nombre d'avocats, tout juste derrière Ogilvy Renault... avant que ce dernier ne se joigne en juin 2011 au britannique Norton Rose.

Un partenaire idéal

C'est Lang Michener qui a fait les premiers pas. Cela faisait des années que la firme, qui a des bureaux à Toronto, Vancouver, Ottawa et Hong-Kong, se cherchait un partenaire pour grandir. Ses clients lui demandaient fréquemment d'élargir sa gamme de services. Cela n'a pas pris beaucoup de temps pour cibler McMillan et constater que le cabinet pouvait être le partenaire idéal. McMillan avait déjà démontré son désir de croître en fusionnant récemment avec d'autres cabinets de Montréal et de Calgary.

McMillan, qui a des bureaux à Toronto, Montréal et Calgary, voulait aussi prendre de l'expansion, notamment à Vancouver où la firme n'avait pas de bureau et en Asie. Géographiquement, donc, la fusion avait bien du sens. Encore fallait-il qu'elle en ait financièrement et sur le plan des valeurs.

«On voulait grandir et atteindre une masse critique, dit Andrew Kent. Mais pas à n'importe quel prix ni au détriment de ce que nous sommes.»

Une fusion, deux cabinets, trois partenaires

S'il a fallu autant de temps pour concrétiser la fusion, c'est qu'il y avait plusieurs étapes à franchir. On ne marie pas des avocats aussi facilement que des amoureux! Surtout lorsqu'il s'agit d'un ménage à trois...

En effet, même si, officiellement, il y avait deux cabinets, dans les faits, ils étaient trois. Car avant la fusion, Lang Michener avait deux centres de profits, c'est-à-dire que les associés des bureaux de l'Est (Ottawa, Toronto) et de l'Ouest (Vancouver, Hong-Kong) ne partageaient que le nom, pas les bénéfices. Il a donc fallu négocier à trois, et l'aspect du partage des profits a été au coeur des discussions.

«Pour nous, c'était clair dès le début, on ne voulait qu'un seul centre de profits», dit Andrew Kent. Il explique que, lorsque chaque bureau compte ses sous, c'est souvent au désavantage des clients, car les avocats essaient de tirer la couverte de leur côté pour augmenter leurs profits. En revanche, quand tous les bénéfices vont au même endroit et sont partagés entre tous les associés, alors le volet argent est évacué des décisions; on s'assure alors de placer les meilleurs avocats selon la spécificité des mandats.

Belle complémentarité

Si, sur le plan géographique, la fusion allait de soi, les dirigeants y ont aussi vu des avantages sur le plan des secteurs de pratique. Une belle complémentarité, en fait. À Toronto, par exemple, les avocats de Lang Michener viendront renforcer la pratique en droit des sociétés, droit des assurances et marchés publics. Ceux de McMillan sont forts en droit bancaire et en restructuration. À Vancouver, Lang Michener a une belle équipe en droit minier et foresterie; à Calgary, McMillan est très fort dans le secteur du pétrole et du gaz. À Montréal, on a des pros en droit de la concurrence, de même qu'en droit de la technologie; Lang Michener, fort en propriété intellectuelle, pourrait les épauler dans certains dossiers.

Les deux cabinets se complètent bien également sur le plan de la clientèle. Au cours de la vérification diligente, les dirigeants ont été surpris du peu de conflits d'intérêts de ce côté-là. McMillan a plus de clients institutionnels, alors que la clientèle de Lang Michener est davantage diversifiée.

Bien sûr, rien n'est gagné d'avance. Car bien que, dans l'absolu, cette fusion semble prometteuse, il y a encore beaucoup de travail à faire pour intégrer tous ces avocats et les convaincre de travailler ensemble. Il faut maintenant passer au stade de l'exécution.

«On a réussi à amener les chevaux près de l'eau, dit Charles Chevrette. Il faut maintenant s'assurer qu'ils boivent.»

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