Le scandale de market timing qui avait ébranlé le secteur des fonds communs de placement au Canada il y a plus de cinq ans revient hanter certaines de ses plus grosses firmes.

Cette fois, après les amendes records de 205 millions de dollars imposées en 2005, ce sont les requêtes en recours collectif des investisseurs qui s'estiment floués par ces transactions illicites de market timing qui reprennent le haut du pavé.

Au Québec, après six ans de démarches, un recours collectif vient d'être autorisé par la Cour supérieure contre quatre firmes de fonds qui, au contraire de leurs concurrentes aussi visées à l'origine, ont refusé toute négociation de règlement à l'amiable.

Ces quatre firmes sont Fonds mutuels CI, la firme AIC ainsi que deux filiales de la Banque CIBC: Placements CIBC et Gestion d'actifs CIBC.

«L'autorisation de ce recours collectif est une victoire majeure pour les nombreux investisseurs québécois qui détenaient des parts de ces fonds au début de la décennie», selon l'avocat Normand Painchaud qui pilote cette démarche depuis octobre 2004.

«Nous pouvons maintenant poursuivre ces firmes en justice avec tout ce que ça peut leur imposer comme divulgation et embarras public. Et même si ces firmes décidaient à leur tour de négocier à l'amiable, le feu vert à notre recours collectif nous permettra d'être beaucoup plus exigeants pour nos clients.»

Un règlement à l'amiable de 11,3 millions, qui a été autorisé il y a quelques jours par un juge ontarien, concerne trois des firmes intimées à l'origine.

Mais les quatre autres qui ont refusé un tel dénouement étaient beaucoup plus importantes en actifs au moment des transactions reprochées, ce qui annonce une somme bien supérieure en cas de règlement à l'amiable.

En Ontario aussi

Entre-temps, en Ontario, une requête en recours collectif intentée par des investisseurs de cette province est en instance d'appel d'un rejet initial.

La décision sur cet appel est attendue en novembre. Et si elle s'avérait positive, le recours collectif commencerait aussi en Ontario, accentuant d'autant la pression contre les quatre firmes de fonds encore ciblées.

Selon l'avocat Norman Painchaud, on pourrait avoir alors une situation où des dizaines de milliers d'investisseurs dans les deux provinces réclament des dédommagements variant chacun de quelques centaines à des dizaines de milliers de dollars.

Ce montant serait déterminé par la taille de leur avoir en parts des fonds gérés par les firmes AIC, IG et CIBC durant la période de quatre ans entre janvier 2000 et décembre 2003.

«Selon les enquêtes des autorités réglementaires, les dommages subis par les investisseurs se comptent par centaines de millions de dollars. Au Québec seulement, ce scandale du market timing dans les fonds d'investissement fut sans doute plus coûteux que la fraude des fonds Norbourg», selon M. Painchaud, du cabinet d'avocats Sylvestre Fafard Painchaud.

Ces transactions de market timing, faut-il rappeler, permettait à des gestionnaires de fonds et leurs amis de profiter pour leur compte personnel des écarts de prix sur les marchés, selon les fuseaux horaires par exemple, en s'accrochant littéralement aux fonds qu'ils géraient, mais à l'insu de leurs clients et détenteurs de parts.

«C'était essentiellement du parasitage de fonds d'investissement qui était effectué et même autorisé par leurs gestionnaires, au détriment de leurs clients légitimes», a résumé M. Painchaud.

Un long procès en vue

Pour la suite, en attendant le jugement en appel sur la requête des collègues ontariens, Normand Painchaud prépare le recours collectif qu'il inscrira officiellement en justice au Québec «d'ici la fin de l'année».

S'ouvrirait alors un procès au civil qui pourrait durer «quelques années» avant d'obtenir un jugement favorable qui, espère-t-il, imposera de coûteuses réclamations aux firmes ciblées.

Quant au nombre d'investisseurs québécois admissibles à ce recours collectif, il demeure imprécis au-delà de «quelques milliers», selon l'avocat.

D'où l'importance pour les investisseurs concernés de surveiller les prochains avis juridiques qui seront publiés dans La Presse et d'autres journaux.

«Ces avis contiendront les détails nécessaires pour décider de son admissibilité ou non au recours collectif. Plus les investisseurs concernés seront nombreux à se manifester, plus nous aurons de l'influence en cour et face aux entreprises de fonds ciblées par le recours», selon Normand Painchaud.