Juger les présumés complices de Vincent Lacroix, une tâche impossible pour 12 simples citoyens?

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C'est l'avis de Me Serge Authier, avocat qui représente l'ex-comptable de Norbourg Rémi Deschambault dans le procès criminel des présumés complices de Vincent Lacroix, qui commence demain au palais de justice de Montréal. Ou, plutôt, qui recommence. Les cinq accusés ont eu un premier procès qui a avorté en janvier dernier après quatre mois. Coupables ou non coupables? Le jury ne parvenait pas à s'entendre sur un verdict.

«C'est un job impossible, ce qu'on demande aux jurés, dit Me Authier, ancien procureur de la Couronne. On leur explique la loi en quelques heures et on leur demande d'examiner 30 000 pages de documents. Un juge peut prendre des mois de délibérations, tandis qu'un jury doit rendre sa décision immédiatement. En plus, le jury doit être unanime.»

Qui compose le deuxième jury du procès Norbourg? Un analyste administratif, un ambulancier, une infirmière, deux techniciens informatiques, un technicien de laboratoire, une directrice de ventes publicitaires en congé sabbatique, une productrice, une prof d'université, un ancien directeur d'usine sans emploi, une publicitaire de la télé et un infographiste.

Les 12 jurés doivent décider du sort des cinq présumés complices de Vincent Lacroix: Serge Beaugré, cofondateur et ancien premier vice-président de Norbourg, Jean Cholette, responsable des finances, l'informaticien Félicien Souka, l'ex-fonctionnaire Jean Renaud et le comptable Rémi Deschambault.

Le deuxième jury se prononcera sur 615 chefs d'accusation, une centaine de moins qu'au premier procès. Mais, surtout, les accusations seront moins complexes: la Couronne a laissé tomber les accusations de complot et de recyclage des produits de la criminalité pour se concentrer uniquement sur celles de fraude et de fabrication de faux documents.

«Nous avons de nouveaux témoins et une preuve nouvelle. Nous avons aussi abandonné les chefs d'accusation de complot et de recyclage des produits de la criminalité. Nous espérons avoir appris du premier procès», dit Me Serge Brodeur, procureur de la Couronne.

Malgré les efforts de la Couronne, les jurés auront devant eux près de 30 000 pages de documents. «Ce serait un dossier difficile même pour un juge. Je suis peut-être naïf, je crois que 12 citoyens honnêtes et raisonnables vont être capables de passer à travers. Ce sera un procès extrêmement difficile pour les jurés, mais pas impossible», dit le juge à la retraite Bernard Grenier, qui a siégé 22 ans à la Cour du Québec avant de retourner à la pratique privée en 2002.

La Couronne a demandé en mars dernier un procès devant juge seul, mais les coaccusés ont opté pour un procès devant jury.

Une note encourageante pour le jury: leur processus de sélection, entamé mardi, a été plus expéditif que lors du premier procès. En deux jours, le nombre de jurés potentiels est passé de 1300 à 400. La moitié des jurés potentiels ont fait une demande d'exemption. La sélection officielle du jury a été terminée au bout d'une journée vendredi, alors qu'il avait fallu deux jours lors du premier procès.

Le juge Marc David semble aussi avoir les choses bien en main. Il interdit notamment aux avocats de se répondre entre eux dans la salle d'audience. «Vous parlerez entre vous dehors. Ça va être de même durant le procès», a-t-il averti d'un ton ferme. Le juge David a convié les avocats pour des discussions préparatoires cet après-midi. Le procès commencera officiellement demain matin avec l'allocution d'ouverture de la Couronne.

Chacun des accusés est passible de 14 ans de prison s'il est reconnu coupable. Vincent Lacroix a été condamné à 13 ans de prison en octobre 2009 dans le cadre du même procès. L'affaire Norbourg constitue la plus importante fraude financière jamais orchestrée au Québec. Près de 9200 investisseurs ont perdu 115 millions de dollars.