La Banque Royale a fait un geste exceptionnel dans l'affaire Earl Jones. L'institution n'a pas contesté la première étape du recours collectif des victimes contre elle, une décision qui donne espoir aux investisseurs floués d'être dédommagés par la banque.





Pour cette première étape, les victimes devaient obtenir l'autorisation du tribunal d'intenter un recours collectif contre l'institution financière. Le juge Robert Mongeon a rapidement accordé cette requête, hier matin, puisque la banque ne l'a pas contestée. Une contestation aurait allongé les délais judiciaires de plusieurs mois.



Le représentant des victimes, Joey Davis, était fort heureux de ce dénouement. «Nous sommes très optimistes pour la suite des choses. Cette autorisation ouvre la porte à des négociations avec la Banque Royale», a-t-il déclaré.

Dans les faits, l'autorisation ne signifie pas nécessairement que la banque dédommagera les victimes. Par ce geste, la banque signifie plutôt qu'elle accepte qu'un juge se penche sur le fond de l'affaire et détermine si elle doit dédommager les victimes ou non.

«Dans un esprit de collaboration, on souhaite permettre à chaque partie de régler le dossier le plus promptement possible», a expliqué à La Presse le directeur des communications de la banque, Claude Lussier, qui a assisté aux audiences.

Earl Jones a reçu une sentence de 11 ans de prison en janvier. Entre 1981 et 2008, le financier a placé tous les fonds de ses clients dans un compte en fidéicommis de la Banque Royale, dans lequel il puisait allégrement pour ses fins personnelles. Globalement, 150 victimes soutiennent avoir perdu 75 millions de dollars.

La poursuite soutient que la banque était au courant des irrégularités sur ce compte depuis au moins 2001. Les victimes réclament 40 millions à la Banque, soit la différence entre les sommes déposées et les sommes qu'elles ont pu retirer depuis 1981.

Une surprise

Les avocats spécialisés dans les recours collectifs parlent d'une décision inhabituelle de la banque. «Je suis un peu surpris. Tous mes dossiers sont chaudement contestés à toutes les étapes. Il est très rare que ça ne soit pas contesté. Ça peut être un bon signe pour les victimes», dit l'avocat Philippe Trudel, de la firme Trudel Johnston.

Sur la trentaine de dossiers qu'a menés son cabinet depuis 11 ans, tous les défendeurs ont contesté la demande de recours collectif dans un contexte similaire, contrairement à la Banque Royale.

L'avocat Benoit Lapointe, du cabinet Belleau Lapointe, n'a eu qu'un seul cas sur 30 où la demande de recours collectif n'a pas été contestée. Selon lui, cette décision de la banque pourrait s'expliquer par le fait qu'elle «préfère faire face à un seul recours collectif plutôt qu'à un faisceau de recours individuels. Tous les membres du groupe seront liés par la décision ultime du tribunal et ne pourront prendre d'autres recours».

La banque fautive?

Le jugement qu'a signé Robert Mongeon hier énumère une série de questions que devra trancher le tribunal dans ce recours collectif. «Est-ce que la banque a commis une faute en acceptant que le compte en fidéicommis d'Earl Jones soit utilisé comme son compte personnel alors qu'elle savait que les fonds étaient gérés pour le bénéfice de tiers?» est-il écrit.

«Est-ce que la banque a commis une faute en omettant de vérifier l'authenticité des endossements des chèques déposés dans le compte d'Earl Jones? (...) Est-ce que la banque a été négligente ou volontairement aveugle en permettant à Earl Jones de perpétrer un stratagème à la Ponzi en utilisant son compte en fidéicommis pendant 27 ans?»

Hier, le juge Mongeon a demandé aux deux parties de s'entendre d'ici vendredi sur un échéancier pour les procédures menant au procès. Cet échéancier doit s'étendre sur une période maximale de 180 jours. La date du procès sera fixée au terme de ces procédures.

«Il y a toujours des possibilités de régler avant avec la Banque Royale, mais à ce jour, il n'y a rien de concret», nous a indiqué Neil Stein, avocat des victimes.