«Il mentait du début à la fin, mais chaque fois qu'il expliquait quelque chose, c'était crédible», a déclaré lundi devant le tribunal correctionnel de Paris l'ancien supérieur hiérarchique immédiat de Jérôme Kerviel à la Société Générale, affirmant n'avoir rien su des dérapages du trader.

Éric Cordelle, 38 ans, était le «N+1» (chef direct) de l'ancien trader de la Société Générale jugé depuis le 8 juin pour avoir causé une perte de 4,9 milliards d'euros début 2008.

M. Cordelle a expliqué au début de son témoignage avoir été licencié après l'affaire Kerviel pour «insuffisance professionnelle». Il s'est dit «à la recherche d'un emploi».

Lorsqu'il est arrivé à la tête du service «Delta One», le 1er avril 2007, Jérôme Kerviel lui a été présenté comme «quelqu'un de fiable, qui travaillait bien, qui avait de bons résultats, en croissance», a-t-il raconté.

A l'époque, M. Cordelle, polytechnicien, a admis qu'il n'avait pas de connaissance en «trading», mais que sa mission était d'organiser le service et faciliter ses relations avec les autres branches de la banque.

«L'équipe était sous l'eau, elle avait trop travail, je devais recruter des traders, trouver des stagiaires», a-t-il expliqué.

«J'étais perdu, oui, pas seulement dans le maquis informatique, mais aussi dans le vocabulaire des traders», a reconnu Éric Cordelle, longuement interrogé par le président du tribunal Dominique Pauthe.

Concernant l'activité du prévenu, M. Cordelle a assuré qu'il «ne voyait pas les ordres qu'il passait, c'était totalement impossible».

«Pour vérifier les opérations une à une, il aurait fallu suspecter la fraude», a-t-il ajouté. «On n'est pas dans une agence bancaire où quelqu'un peut partir avec la caisse, on n'est pas dans une culture de fraude, la fraude, personne n'en parlait!», a-t-il poursuivi.

Interrogé sur les variations de trésorerie de Jérôme Kerviel, sur les dépassements des limites de risque, sur une «perte latente» de 2,5 milliards à la mi-2007 ou sur des prises de positions de plusieurs dizaines de milliards d'euros, Éric Cordelle a affirmé n'avoir rien relevé d'anormal, rien vu venir.

Ces positions étaient «masquées», et lorsqu'on lui demandait des précisions, Jérôme Kerviel trouvait des explications «cohérentes», «mentait», «jouait la comédie»..., a poursuivi son ancien chef.

Les autres supérieurs («N+2», «N+3», etc.) de Jérôme Kerviel, qui affirme que sa hiérarchie directe était au courant de ce qu'il faisait, doivent témoigner lundi après-midi.

Poursuivi pour abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données dans un système informatique, l'ancien trader encourt cinq ans de prison et 375 000 euros d'amende.