Jérôme Kerviel a été comparé à «somnambule dans un champ de tir» mercredi au deuxième jour de son procès, centré sur la marge de manoeuvre de l'ex-trader à la Société Générale qui lui reproche d'avoir pulvérisé les limites de la spéculation à coups de dizaines de milliards d'euros.

Le premier témoin, cité par la Société Générale, a été un ancien président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) Jean-François Lepetit, 68 ans, venu expliquer, notamment, le fonctionnement d'une salle de marchés.

«Le risque est la matière première d'une salle», a-t-il dit, «et ce qui est rentable, c'est de prendre des risques calculés». Selon lui, «il arrive que les limites soient dépassées, mais dans ce cas, la transparence est toujours de rigueur».

Interrogé par Me Jean Veil, avocat de la Société Générale, sur les affirmations de Jérôme Kerviel selon lesquelles ses supérieurs étaient au courant, M. Lepetit a comparé l'ancien trader à «un somnambule dans un champ de tir».

À la lecture du livre publié début mai par Jérôme Kerviel (L'engrenage, Mémoires d'un trader), «je ne suis pas convaincu qu'il ait bien compris ce qui se passait autour de lui», a-t-il dit, évoquant les «centaines de milliers d'opérations» réalisées dans une banque.

À la reprise des débats à 13H30, devant la 11e Chambre du tribunal correctionnel de Paris, la salle, moins bondée, est néanmoins encore pleine, notamment sur les bancs des journalistes.

Même costume sombre que la veille mais sans cravate cette fois, Jérôme Kerviel, assis sur une chaise devant le banc des avocats, écoute attentivement les échanges qui se déroulent à moins d'un mètre de lui, au lendemain d'une première journée qui avait effleuré de multiples aspects du dossier, dans une ambiance électrique.

Le témoignage de Jean-Pierre Mustier, ancien patron de la banque de financement et d'investissement de la Société Générale (SG CIB), où travaillait Jérôme Kerviel, est particulièrement attendu. Un autre témoin attendu mercredi était Richard Paolantonacci, qui était chargé de la surveillance des risques à la Société Générale.

Jérôme Kerviel, 33 ans, jugé pour avoir fait perdre à la banque 4,9 milliards d'euros début 2008, encourt cinq ans de prison et 375 000 euros d'amende, pour abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données dans un système informatique.

Selon l'accusation, il a pris à l'insu de sa hiérarchie des positions spéculatives exorbitantes sur les marchés financiers, atteignant près de 50 milliards d'euros début 2008, en déjouant les contrôles à l'aide d'opérations fictives et de fausses déclarations.

Les débats de mercredi se concentraient sur les «limites» supposées que devaient respecter les traders dans leurs prises de position sur les marchés financiers.

Selon la banque, le cumul des risques ne devait pas dépasser 125 millions d'euros à la fin de la journée, somme pouvant être légèrement dépassée ponctuellement si des positions inverses étaient prises le lendemain matin pour se «couvrir».

Mais Jérôme Kerviel affirme que ces limites ne lui ont jamais été clairement fixées, son argument étant que ses chefs le laissaient faire tant qu'il gagnait de l'argent.

Au total, une quarantaine de témoins ont été cités, dont une trentaine par la défense, durant ce procès très médiatisé qui va durer trois semaines, jusqu'au 25 juin.

Dès l'ouverture mardi de son procès, Jérôme Kerviel, appuyé par Me Olivier Metzner, s'était montré combatif, affirmant d'emblée que ses supérieurs ne pouvaient pas ne pas être au courant de ses prises de risques.