Même si notre traversée de la récession fait envie, le Québec a l'embarras du choix des dangers qui le guettent: déficit démographique, dette publique, productivité ralentie...

En s'attaquant avec efficacité au défi de la productivité, on pourra modérer le choc du premier et alléger relativement la deuxième, a indiqué en mars 2008 le Groupe de travail sur l'investissement présidé par Pierre Fortin.

 

Le retard que le Canada et le Québec ont pris dans leurs gains de productivité par rapport aux États-Unis et aux autres pays de l'OCDE dans leur ensemble intrigue les esprits les plus doctes.

On a d'abord critiqué la fiscalité, qui décourageait l'investissement des entreprises en taxant le capital plutôt que la consommation. Les gouvernements ont compris. Aujourd'hui, le taux effectif d'imposition sur l'investissement direct d'Ottawa et de Québec est redevenu concurrentiel.

Pourtant, les entreprises semblent peu empressées à importer de la machinerie et de l'équipement informatique, malgré un huard bien dopé.

«Jusqu'ici, les entreprises ont déçu», a même dit le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, dans un discours récent consacré à cette vertu économique. Il n'est que le dernier en date à s'interroger publiquement sur cette énigme canadienne.

Avant la dernière récession, Statistique Canada avait réalisé des recherches approfondies pour tenter de mieux cerner et quantifier cette réalité toute simple en apparence mais qui défie l'entendement.

Vite dit, la productivité correspond à la combinaison de travail et de capital nécessaires à la production d'un bien ou à la fourniture d'un service.

À l'échelle de l'économie canadienne (son produit intérieur brut) et de son marché du travail (environ 17 millions d'emplois), la tâche est plus ardue.

L'agence fédérale a relevé que les résultats changent selon la mesure du PIB et selon l'enquête sur le marché du travail retenues. Le Canada prête davantage foi à l'enquête auprès des ménages, les États-Unis à celle sur le nombre de salariés des entreprises. Statistique Canada relève que la méthodologie américaine appliquée au Canada améliore notre performance mais révèle toujours un ralentissement des gains de productivité depuis 2006.

Elle l'attribue en partie aux changements structurels de l'économie canadienne. Produire un baril de pétrole traditionnel coûte moins cher et exige moins d'investissement que son équivalent extrait des sables bitumineux.

Une autre avenue, négligée des économistes, mérite d'être explorée. Les entreprises américaines sont réputées (ab)user davantage de la comptabilité créative, de l'amortissement accéléré, des produits financiers exotiques, des jeux de taux de change et des paradis fiscaux et réglementaires. Tout ça pour gonfler leurs profits à court terme et les bonus de leurs dirigeants.

Il y a quelques années à peine, on vantait pareilles prouesses pour exiger des allégements à la Loi sur les banques canadiennes...

Si ce scénario se répétait et amplifiait les gains de productivité américains, il n'explique pas tout.

Le comportement des entreprises américaines durant la dernière récession leur a valu des gains de productivité apparemment formidables: elles ont fait des licenciements massifs.

Les canadiennes ont davantage opté pour la réduction des heures de travail. La rareté de la main-d'_uvre qualifiée et une plus grande syndicalisation les y ont sans doute incitées.

Il existe enfin des différences culturelles au sein des entreprises des deux pays qui agissent sur la productivité, sans que la théorie macroéconomie parvienne à les saisir.

Les entreprises canadiennes ont choisi de diminuer de 9,2% leurs investissements en machinerie et en équipement au quatrième trimestre. La reprise était encore incertaine et les prix des produits de base comme le pétrole encore trop faibles pour justifier l'accroissement ou la modernisation de leurs capacités.

Ce recul cache cependant d'importantes disparités régionales. Au Québec, les investissements des sociétés ont bondi de 6% et de 5,8% durant l'été et l'automne.

N'est-il pas possible que le modèle québécois fasse encore son _uvre? Dans les gains de productivité, le secteur public ne joue-t-il pas aussi un rôle en assurant des infrastructures de qualité dont tirent profit les entreprises?

L'avenir le dira.