Des îles en forme de mappemonde. Un hôtel sept étoiles à 15 000$ la nuit. Des centres commerciaux où se bousculent les Gucci et Prada. Dubaï a fait sa marque avec l'ultraluxe depuis 10 ans. Puis la crise a frappé l'an dernier. Avec fracas. L'émirat tente aujourd'hui de démocratiser son image et d'attirer une nouvelle catégorie de touristes moins fortunés. Un changement inévitable, a constaté notre journaliste, de retour de Dubaï.

La nouvelle campagne publicitaire du transporteur Emirates Airlines est inédite. Exit îles en forme de palmiers et gratte-ciels futuristes, bonjour quartiers grouillants et sales de la vieille ville. Comme si Dubaï tentait de dédorer son image en ces temps de crise économique.

 

«Il y a eu beaucoup de critiques l'an dernier à cause de l'immobilier à Dubaï, et on voulait montrer que la ville a autre chose à offrir», explique Boutros Boutros, vice-président aux relations publiques d'Emirates Airlines.

Dans une série de vidéos promotionnelles, le transporteur national met en vedette les quartiers habités par les Indiens et les Pakistanais peu fortunés qui forment la majorité de la population locale. Les souks animés de Bastakia, où s'entremêlent boutiques de vêtements traditionnels, bijouteries et petits bouibouis, occupent une place de choix.

«Les médias internationaux ont beaucoup insisté sur les hôtels cinq étoiles au cours des dernières années, mais ils oublient qu'il y a autre chose à Dubaï, dit M. Boutros. Ils ont oublié le côté humain, enrichi par les 150 nationalités qui cohabitent ici.»

Dubaï est devenu célèbre depuis 10 ans grâce à ses centres commerciaux somptueux, à ses pistes de ski intérieures et autres projets pharaoniques. Puis la crise financière a mis un terme à plus de 400 chantiers évalués à 300 milliards de dollars américains, il y a 18 mois. Un atterrissage brutal pour l'économie - et l'ego - de la ville-État.

Comme dans plusieurs autres régions, les prix des hôtels ont chuté - de 31% en moyenne l'an dernier, à 163$US la nuit, selon la firme STR Global. Et ils devraient poursuivre leur descente en vrille puisque des dizaines d'établissements flambant neufs ouvriront bientôt leurs portes.

Il suffit de se promener dans Sheik Zayed Road, principale artère de Dubaï, pour constater le nombre impressionnant de chantiers hôteliers. De part et d'autre de l'autoroute à 12 voies, des hôtels sortent de terre. Et même si certaines grues marchent au ralenti ces jours-ci à cause de la crise, le flot de nouveaux établissements sera constant au cours des deux prochaines années. Selon la firme immobilière Jones Lang LaSalle Hotel, le nombre de chambres offertes bondira de 23,4% cette année et de 3,9% l'an prochain.

«Il y a un énorme inventaire d'hôtels cinq étoiles qui s'en vient, il pourrait y avoir une surcapacité», avertit Matthew Green, directeur de la recherche pour CBRE Richard Ellis à Dubaï.

De 15 000$ à 1000$

Bechir Falfoul, président du grossiste montréalais Sultana Tours, constate au quotidien cette baisse marquée des tarifs. Le secret de son agence pour obtenir les meilleurs prix? Réserver les chambres pour ses clients à la dernière minute plutôt que des mois à l'avance comme le veut la pratique habituelle.

«Dubaï est la seule destination qu'on ne peut pas mettre dans notre banque de données comme Paris, par exemple, parce que tous les jours on annonce des rabais importants, explique-t-il. Le Burj Al Arab, qui pouvait coûter 15 000$ la nuit, sort parfois à 1000$.»

Impossible de prédire combien coûtera tel ou tel hôtel à une date déterminée, en somme. «Ça monte et ça descend, dit M. Falfoul. Une chambre qui coûte 200$ aujourd'hui peut coûter 800$ demain. C'est un drôle de système.»

Le président de Sultana, qui a envoyé environ 500 Québécois à Dubaï l'an dernier, estime que l'émirat devra à tout prix se «démocratiser» davantage pour remplir ses dizaines de milliers de chambres d'hôtel. Le changement de cap est déjà amorcé, dit-il. «Ils n'ont pas le choix, et ils le font déjà.»

À Tours Chanteclerc, qui organise deux ou trois voyages de groupe à Dubaï chaque année, le directeur général, Claude Saint-Pierre, soutient ne pas avoir remarqué de différence dans les prix. «Réserver un bloc de chambres 9 ou 10 mois à l'avance, c'est encore dans les 350$ la nuit», fait-il valoir.

Qu'importe l'ampleur réelle de la baisse des prix - les estimations varient du simple au double -, une chose est sûre: les autorités devront multiplier les efforts pour attirer les touristes à Dubaï. D'une part parce que les maigres réserves de pétrole s'épuisent, forçant l'émirat à diversifier toujours plus son économie. Et d'autre part pour remplir le nouvel aéroport d'une capacité de 120 millions de passagers qui doit ouvrir ses portes en 2012.

Les responsables du département du Tourisme de Dubaï n'ont pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse Affaires Magazine.

 

40 943

Chambres d'hôtel*

69%

Taux d'occupation moyen en 2009, en baisse de 10%

236$US

Tarif moyen d'une chambre en 2009, en baisse de 24%

17 204

Chambres dans des copropriétés hôtelières*

*Données d'août 2009

Sources : STRGlobal, Bloomberg, Jones Lang LaSalle Hotels