Ils ont la jeunesse, l'intelligence et une job. Mais ils veulent plus. Le pouvoir, l'argent? Pourquoi choisir, quand on peut viser les deux!

«Les salaires ne sont pas la seule raison d'aller chercher un MBA, mais c'est une des raisons les plus importantes», estime Luis Garcia, 28 ans, inscrit au programme de MBA intensif de HEC-Montréal.

Bachelier de l'Université Concordia, Luis a laissé un emploi dans le marketing des produits de luxe chez L'Oréal, à Montréal, pour retourner aux études. «Je voulais progresser, aller plus loin, dit-il. Avec un baccalauréat en marketing, je me sentais limité.»

Ils sont des milliers comme Luis dans les universités de par le monde à vouloir améliorer leur sort et à investir temps et argent pour y parvenir.

La popularité du Master of Business Administration ne se dément pas, année après année. C'est peut-être parce que c'est un des seuls diplômes universitaires à promettre aux étudiants un enrichissement garanti.

La formation de MBA est évaluée en fonction du retour sur l'investissement. Dans les classements réalisés chaque année par toutes sortes d'organismes, les meilleurs MBA sont ceux qui rapportent le plus en salaire par rapport à ce qu'ils ont coûté en droits de scolarité. Certains de ces classements indiquent aussi aux intéressés le salaire moyen des diplômés avant et après leur MBA.

Changer de vie est une motivation au moins aussi importante que l'argent, estime quand même Hubert Bolduc. L'ancien attaché de pressé du premier ministre Bernard Landry est retourné à l'université en 2004 pour aller chercher un MBA. «La principale motivation, c'est de changer de fonction ou d'accéder à des fonctions supérieures», soutient-il.

Marc Gauthier a vu des milliers de dirigeants d'entreprises dans sa vie. Le directeur général de la firme de recrutement MGA et Associés, de Québec, croit que celui qui va chercher un MBA dans le seul but d'augmenter son salaire n'est pas du tout certain d'atteindre son objectif. «Ce n'est pas comme un médecin qui va chercher une spécialité en cardiologie. Lui est assuré de faire plus d'argent.»

«Ceux qui le croient sont déçus», dit Hubert Bolduc. L'ancien attaché de presse est aujourd'hui vice-président aux communications de Cascades, l'entreprise de la famille Lemaire. Il admet avoir amélioré son sort, financièrement parlant, comme d'ailleurs tous ses collègues de la cohorte 2004. Mais il maintient qu'au Québec, on ne va pas chercher un MBA pour gagner plus d'argent.

Meilleurs et plus chers

Le plus récent classement du magazine américain Forbes place le MBA de l'Université Standford, en Californie, au premier rang aux États-Unis et celui de l'INSEAD, en France, en tête des formations offertes à l'extérieur du territoire américain. Dans les deux cas, il s'agit des diplômes qui rapportent les salaires les plus élevés à leur détenteur.

Il s'agit aussi des formations parmi les plus coûteuses à acquérir, avec des droits de scolarité supérieurs à 100 000$US par année.

HEC-Montréal, qui arrive 10e sur 11 dans le classement de Forbes pour les programmes intensifs d'un an, offre des perspectives de gains bien inférieures à ses diplômés. Son MBA est tout de même considéré comme un bon investissement à cause des droits de scolarité infiniment plus bas, soit 29 000$US pour les étudiants étrangers et un modeste 6500$ (canadiens) pour les étudiants québécois.

À un coût de 5000$ pour les étudiants québécois, le MBA pour cadres de l'Université du Québec à Montréal ne prétend pas rivaliser avec les gros canons universitaires, dit le directeur du programme, Robert Desmarteau. Il n'argumente pas longtemps avec les étudiants potentiels pour qui les perspectives de gain comptent plus que tout le reste. «Je leur réponds qu'on n'est pas des encanteurs.»

Cela dit, Robert Desmarteau est le premier à reconnaître que le potentiel de gains fait partie de la réalité du MBA. «C'est clair qu'il y a un rendement financier», dit-il.

Un MBA, «c'est un coffre d'outils», selon lui. La qualité des outils est importante, mais il faut aussi savoir s'en servir.

Robert Desmarteau rappelle que la formation a d'abord été conçue pour donner à des ingénieurs, des architectes ou des médecins une formation de base en administration. Aujourd'hui, les programmes les plus populaires exigent une expérience de travail.

Le directeur du programme de MBA pour cadres de l'UQAM a constaté que la majorité des diplômés MBA changent d'emploi après avoir obtenu leur diplôme. «C'est vrai dans 80 à 85% des cas», précise-t-il

Qui embauche?

On voit rarement les lettres MBA dans la liste des qualifications exigées par les employeurs pour combler un poste de direction. Il s'agit pourtant d'un diplôme recherché, surtout par les grandes entreprises, selon Marc Gauthier, qui fait du recrutement professionnel depuis 30 ans.

Les entreprises rencontrent souvent les étudiants sur les campus, comme la Banque TD qui organisait récemment un cocktail à HEC-Montréal. Ce sont des activités très courues par les étudiants, même ceux qui n'ont pas l'intention de travailler pour l'employeur qui invite. «On s'en sert pour pratiquer nos techniques d'entrevues et augmenter notre réseau de contacts», explique Luis Garcia.

Bombardier, un des plus importants employeurs pour les MBA au Québec, en a 17 à son siège social de Montréal, qui compte 170 employés. L'entreprise en a embauché plusieurs autres à sa division Transport et un autre contingent travaille à sa division Aéronautique.

Mais le Québec, royaume de la PME, ne compte pas beaucoup de grandes entreprises de la taille et de l'envergure de Bombardier.

«Les PME qui cherchent un directeur des ventes, un directeur de production ou un directeur des finances cherchent d'abord un diplôme dans la spécialité, affirme Marc Gauthier.

«Un MBA, c'est un plus. Les employeurs peuvent le considérer mais ils ne veulent pas nécessairement payer plus pour un MBA», explique le spécialiste qui a rencontré des milliers de candidats et de dirigeants d'entreprises.

«Ce que les employeurs recherchent, c'est un tout», renchérit Jean-Claude Lauzon, vice-président de Korn/Ferry International. «Comme quand on va voir un opéra, on ne va pas voir une seule chose, c'est un tout.»

Jean-Claude Lauzon estime que la formation de MBA a beaucoup de valeur, si on la suit après avoir acquis une expérience de travail. Et un détenteur de MBA est encore mieux considéré, selon lui, s'il est allé chercher une formation à l'étranger. «Ça ouvre les horizons et c'est recherché par les employeurs.»

La plupart des universités qui dispensent la formation de MBA ont d'ailleurs adapté leur formation aux exigences de la mondialisation, en amenant leurs étudiants à l'étranger pour une durée plus ou moins longue.

Henry Mintzberg persiste et signe

Les MBA qui coûtent le plus cher sont-ils ceux qui donnent la meilleure formation? «C'est plutôt l'inverse, à mon avis», répond Henry Mintzberg, mi-figue, mi-raisin.

Le spécialiste du management a toujours été très critique à l'endroit de la formation dispensée dans les écoles de gestion, et du MBA en particulier. Il l'est toujours.

«La plupart des programmes sont excellents pour enseigner les différentes fonctions d'une entreprise mais ils n'enseignent pas le management», distingue-t-il. Les écoles de gestion, sans exception, se vantent de former les meilleurs managers. «C'est malhonnête», juge-t-il.

Les meilleurs programmes de MBA, à son avis, sont ceux dispensés à des dirigeants en exercice qui peuvent faire le lien entre ce qu'on leur enseigne et leur travail. «Les études de cas qu'on fait dans les MBA depuis 1920 sont une bonne chose, mais on apprend de l'expérience des autres. C'est mieux quand on base l'apprentissage sur sa propre expérience.»

C'est d'ailleurs ce que fait le MBA pour cadres conjoint de l'Université McGill et HEC-Montréal, et celui de l'Université du Québec à Montréal et de plus en plus d'autres institutions.

Henry Mintzberg a passé toute sa vie à l'université «pour mieux comprendre le monde, pas pour gagner plus d'argent». Il conçoit toutefois parfaitement que la motivation des aspirants au diplôme de MBA soit l'argent. «Pas toujours, mais souvent», nuance-t-il.

Pas surprenant donc, selon lui, que les différents programmes de MBA soient évalués en fonction de leur rendement sur l'investissement. Le seul défaut de ces classements, estime Henry Mintzberg, «c'est qu'on ne mesure pas ce qu'on enseigne».