Petit à petit, des détails font surface dans l'affaire Nil Lapointe. Hier, La Presse Affaires a appris que les investisseurs floués ont été nombreux à ouvrir un compte à la Banque de Chypre, à la suggestion des dirigeants du groupe Tanzanite.

Selon une source, Nil Lapointe a proposé l'avenue chypriote parce que, avait-il dit aux investisseurs, les versements en argent liquide pour payer les rendements de 2 à 5% par mois devenaient trop compliqués et trop gros.

Cette avenue a été suggérée vers 2006, soit à la même période où les fonds de Tanzanite ont été supposément bloqués, en Europe. Le compte à Chypre était censé simplifier les transferts, grâce à une carte de débit Visa.

La République de Chypre est située dans une île de la Méditerranée entre l'Europe et l'Asie. On y parle le grec et le turc et la taxation y est avantageuse.

En 2006, Nil Lapointe a donc présenté aux investisseurs Danielle Gagnon, consultante en services bancaires internationaux. L'entreprise de Mme Gagnon s'appelle Services DGMR.

Jointe au téléphone, Danielle Gagnon a répondu ouvertement à nos questions. Après une réunion au Sheraton Laval, Mme Gagnon a rencontré entre 100 et 200 investisseurs qui envisageaient ouvrir un compte à Chypre. Une trentaine ont finalement fait affaire avec elle, moyennant 500 à 1000$ chacun. Les autres ont pu procéder par eux-mêmes ou n'ont pas ouvert de compte, dit-elle.

Danielle Gagnon affirme qu'elle précisait à tous leur obligation à déclarer leurs revenus mondiaux au fisc. Elle ne recevait aucune commission de la Banque de Chypre et n'a pas investi dans Tanzanite.

Au fil des mois, elle a reçu des appels des investisseurs qui s'informaient de la disponibilité de leurs fonds, mais elle n'en savait rien. Elle-même n'avait pas accès à leurs comptes personnels, dit-elle. «J'ai été aussi naïve que les investisseurs dans tout ça. Les gens m'appelaient, mais je ne pouvais rien faire. Ça pesait lourd sur mes épaules», dit Mme Gagnon.

La consultante estime qu'environ 200 personnes, parfois plus, assistaient aux deux réunions auxquelles elle a pris part.

En novembre 2008, les investisseurs ont reçu un courriel disant que les fonds avaient été débloqués. Les dirigeants de Tanzanite avaient seulement besoin de leur numéro de compte bancaire à Chypre, ce qui a été transmis à Claudé Hamel, associé de M. Lapointe, nous dit une source. Malheureusement, la direction a fait part d'autres problèmes par la suite et les investisseurs ont finalement appris qu'ils s'étaient fait flouer avec le décès de Nil Lapointe, le 8 février dernier.

Desmarais et Mario Drolet

Par ailleurs, deux des personnes mentionnées dans le texte paru samedi 13 février dans La Presse, soit Bruno Desmarais et Mario Drolet, soutiennent n'avoir absolument rien à voir avec cette affaire.

Selon le registre américain Edgar, ces deux personnes ont eu des liens avec la société Millenium Capital, en 2004, pour laquelle Nil Lapointe a agi comme conseiller en marketing pendant quelques mois.

Bruno Desmarais précise qu'à l'époque, il tentait de lancer un projet en Bourse. Pour ce faire, il avait notamment ciblé le logiciel de formation boursière de Mario Drolet. Bruno Desmarais, alors président de Millenium, avait confié les ventes du produit à Nil Lapointe, un homme avec beaucoup d'entregent «qui se disait expert en marketing».

Nil Lapointe a été rémunéré en actions de Millenium pour ses services. Le projet a avorté après quelques mois, puisque les ventes n'ont pas décollé. La relation de Bruno Desmarais avec Nil Lapointe s'est arrêtée là.

«Je ne l'ai pas revu et je n'ai pas communiqué avec lui depuis 2004. Je ne lui ai pas référé de mes clients et je n'ai pas rencontré de ses clients. Je suis bouleversé par cette histoire», a expliqué M. Desmarais, qui travaille aujourd'hui comme cadre supérieur chez Desjardins.

Quant à Mario Drolet, qui avait mis au point le produit, il dit n'avoir même jamais parlé à Nil Lapointe, puisque l'entrée en Bourse de son produit ne s'est jamais concrétisée. «Si j'avais eu un quelconque rapport avec cette histoire, je l'assumerais. Mais je n'ai rien à voir avec ça», dit M. Drolet, qui travaille en relations publiques.