Il fallait avoir le coeur solide au cours des deux dernières années pour ne pas déroger à sa stratégie de placement.

De l'automne 2008 jusqu'à mars 2009, nombreux sont ceux qui ont été tentés de tout liquider devant les pertes qui s'accumulaient. Plusieurs l'ont probablement fait.

Tous ceux qui ont su tenir le cap se sentent mieux aujourd'hui. Ils ont récupéré une bonne partie des pertes, et sont régulièrement réconfortés par des statistiques économiques indiquant que la reprise est en place.

Pour ceux qui ont quitté le navire, le dilemme est entier. La tentation de replonger dans les marchés les tenaille sans arrêt, mais la crainte de se faire prendre à nouveau est aussi continuellement présente.

Le moment est à nouveau venu de cotiser à son REER (Régime enregistré d'épargne-retraite). Le temps est donc propice à réévaluer la situation.

Clôturer la décennie et réaliser que les indices boursiers sont aujourd'hui tous plus bas qu'il y a 10 ans soulève la question à savoir s'il faut adopter une approche plus tactique, c'est-à-dire ne pas hésiter à modifier régulièrement ses investissements en passant d'un secteur à l'autre en fonction des perspectives.

Bourse: à quoi s'attendre?

Bien que les marchés boursiers soient à la hausse de 50% à 70% depuis la reprise amorcée en mars dernier, l'année 2010 devrait procurer de nouveaux gains aux investisseurs, croient la plupart des experts consultés par La Presse Affaires.

Et ils accordent une très faible probabilité à ce qu'une nouvelle dégringolade, comme celle vécue durant l'automne 2008 et l'hiver 2009, se produise.

Cette année, on s'attend à ce que la reprise économique et les programmes de rationalisation mis en place par les compagnies dans la majorité des secteurs économiques permettent un rebond significatif des profits des sociétés.

«Il n'est pas hors norme que les profits de entreprises bondissent de 25% et plus durant l'année qui suit une récession», explique Pierre Lapointe, stratège des marchés financiers à la Financière Banque Nationale (qui sera à l'emploi de la firme Brockhouse Cooper dès lundi).

Le spécialiste table sur une augmentation des bénéfices de 30%. Ce faisant, il anticipe une croissance de 10 pour la Bourse canadienne et de 10% pour la Bourse américaine.

Ses cibles sont 12 700 pour l'indice canadien /TSX, et 1280 pour l'indice américain  500.

Les politiques monétaires extrêmement expansionnistes, en raison des taux d'intérêt des banques centrales à presque à zéro, ont créé d'abondantes liquidités qui sont susceptibles d'être investies en Bourse.

«Et lorsqu'il y a beaucoup de liquidités dans le système, on excède généralement la valorisation boursière justifiée», explique Pierre Bernard, vice-président à la gestion des placements pour l'Industrielle Alliance. Même s'il pense que la juste valeur du /TSX (basée sur le pouvoir de gain des compagnies) soit d'environ 11 000 points cette année, il croit que l'indice pourrait atteindre 13 000 points à la fin 2010.

Mais attention, précise-t-il, car l'indice pourrait très bien revenir à 11 000 points par la suite.

C'est à ce type de marché qu'il faut s'attendre au cours des quelques prochaines années, prévient M. Bernard.

Il rappelle qu'à la suite du krach de 1987, les Bourses avaient fluctué à la hausse et à la baisse pendant presque six ans pour revenir continuellement vers le même niveau.

«C'est ce genre de période que l'on vient de d'entamer», dit-il.

Fini le «buy and hold» qui consiste à conserver longtemps les mêmes titres, et bienvenue à la gestion active.

Il est possible aussi que les marchés corrigent d'abord de 10 à 15% avant de remonter et de terminer l'année à la hausse.

Steve Goulet, gestionnaire de portefeuilles à la Financière Banque Nationale accorde une probabilité de 30% à ce scénario. Mais il croit qu'à la fin de l'année les marchés boursiers se seront appréciés de 10 à 15%.

Optimisme modéré

Mais attention de ne pas se laisser emporter par trop d'enthousiasme, prévient Stephen Gauthier, stratège et gestionnaire de portefeuilles principal chez Demers Valeurs mobilières.

Le spécialiste se veut modérément optimiste, prévoyant une appréciation du /TSX de 7% cette année.

«N'oublions pas que des taux d'intérêt aussi bas reflètent une économie fragile», dit-il.

Le rendement à la Bourse doit être évalué en fonction du risque, et à cet égard, il est peu attrayant pour l'année 2010, selon lui. Mieux vaut être défensif.

Les perspectives demeurent positives quant aux rendements des marchés boursiers pour 2010, souligne Viet Buu, président de CTI Capital Valeurs mobilières.

«Toutefois, à la suite du très fort rebond du  500, il est difficile d'afficher un optimisme démesuré d'autant plus que l'économie réelle ne s'est pas encore redressée significativement aux États-Unis», ajoute-t-il.

Pas de rechute violente

Les experts consultés sont généralement d'avis que la probabilité d'une nouvelle baisse rapide et prononcée des marchés boursiers en 2010 est très faible.

Mais si cela devait se produire, certains signes avant-coureurs pourraient nous permettre de le voir venir. D'abord, les écarts de crédit s'élargiront, explique Pierre Lapointe.

C'est-à-dire que les taux sur les obligations des sociétés commenceront à monter de façon plus rapide que celles des gouvernements. De plus, un nouvel affaissement du marché de l'emploi causant une augmentation additionnelle du taux de chômage serait de très mauvais augure.

Mais aussi, certains indicateurs précurseurs de l'économie, telles les données manufacturières et les mises en chantier recommenceront à faiblir, ajoute Steve Goulet.

Les Bourses pourraient toutefois traverser une période un peu plus difficile lorsque les banques centrales en auront fini avec leur politique monétaire accommodante et qu'elles se prépareront à hausser les taux d'intérêt. Il s'agira d'être attentif.

«Celles-ci devraient logiquement télégraphier longtemps à l'avance leurs intentions avant de modifier leur politique respective», dit Viet Buu.

Bien qu'aucune hausse de taux ne soit prévu avant l'été, vaut mieux suivre de près, dès maintenant, les discours de Ben Bernanke et de Mark Carney, respectivement de la Réserve fédérale américaine et de la Banque du Canada.