La rumeur courait depuis quelques mois. C'est maintenant officiel: Ogilvy Renault s'installe à Calgary. Un pari risqué, mais nécessaire.

Il y a un an, alors que la crise économique et financière battait son plein et que les prédictions apocalyptiques noircissaient les pages économiques des journaux, bien peu de gens auraient eu l'idée, et encore moins l'audace, de se lancer dans de nouveaux projets. L'attitude générale était plutôt au retrait. C'est pourtant à ce moment bien précis que les dirigeants d'Ogilvy Renault ont décidé d'appuyer sur l'accélérateur et de planifier l'ouverture d'un nouveau bureau... à Calgary.

«L'économie allait mal, les prix du pétrole et du gaz étaient au plus bas, on s'est dit: c'est le moment de foncer!» dit l'associé-chef de la direction, John Coleman. C'est à lui que le comité exécutif du cabinet d'avocats a confié le mandat de mener le projet à terme, projet qui a abouti cette semaine par l'annonce de l'ouverture du bureau albertain.

Cela faisait longtemps qu'Ogilvy Renault songeait à s'installer dans l'Ouest. Il y a cinq ans, déjà, cette perspective était dans l'écran radar, mais les dirigeants avaient préféré à l'époque concentrer leurs efforts sur le développement du bureau de Toronto, ouvert neuf ans plus tôt. Mais aujourd'hui, avec les concurrents bien en selle au pays du rodéo et surtout avec le transfert du pouvoir économique de Toronto à Calgary, la décision était devenue inévitable.

«On a toujours prétendu être une firme nationale. Il fallait donc bien, un jour ou l'autre, s'installer dans ce marché aussi important», explique John Coleman.

Décision évidente sans doute, mais qui comporte néanmoins un certain risque. Car si le marché juridique de Calgary est attrayant, il est devenu au fil des ans l'un des plus féroces au Canada. Non seulement plusieurs grandes firmes nationales y sont présentes, mais les cabinets locaux sont extrêmement solides, au point d'accaparer encore aujourd'hui une bonne part des mandats de l'industrie pétrolière. Et ces «indépendants», comme ils aiment se surnommer, ne craignent pas la concurrence.

Un milieu tricoté serré

«La venue d'Ogilvy n'est pas vraiment une menace. Cela n'affectera pas notre business», dit Grant Zawalsky, associé à Calgary chez Burnet, Duckworth&Palmer, l'un des plus gros cabinets régionaux. Il explique qu'être bon avocat ne suffit pas pour réussir dans ce coin de pays; il faut avoir de bons contacts. Une évidence, certes, mais un constat bien senti dans une ville dominée par l'industrie pétrolière, qui génère beaucoup d'argent, mais qui, somme toute, avec ses 250 entreprises publiques, demeure un milieu assez restreint où les liens entre les individus sont tricotés serrés.

«C'est un secteur risqué, les gens d'affaires aiment travailler avec des avocats qu'ils connaissent bien et être certains que leurs juristes connaissent bien leur industrie», explique Me Zawalsky.

Chez Ogilvy, il semble qu'on ait bien compris la particularité du marché. Ainsi, au lieu d' «importer» des avocats d'ailleurs au Canada, comme certains cabinets l'ont déjà fait avec peu de succès, on a décidé de débaucher des associés locaux chez la concurrence, des professionnels bien implantés dans le milieu des affaires. Et ça joue dur! On est allé chercher Ben Rogers, cochef du groupe Énergie chez Blakes; Nick Kangles, spécialiste en projets dans le secteur de l'énergie, chez Stikeman; Miles Pittman, pro en droits pétroliers, chez Fraser Milner; et Michael Bennett, de McCarthy Tétrault.

Mieux, on a profité de l'acquisition de Petro-Canada par Suncor, l'an dernier, pour convaincre Scott «Rusty» Miller de diriger le nouveau bureau. Pas une mauvaise idée, cet avocat était vice-président et grand patron des affaires juridiques chez Petro-Canada!

Un bureau niché... dans le pétrole!

Cela dit, on a aussi opté pour la prudence, avec seulement cinq associés pour démarrer le bureau. On pourrait penser que ça fait un peu rikiki quand on a l'espoir de s'introduire dans un nouveau marché. Mais John Coleman affirme qu'il ne s'agit qu'un début et que le bureau a pour objectif d'atteindre une trentaine d'avocats d'ici deux ans.

«On veut bâtir et croître comme il faut. On est ici pour le long terme», assure John Coleman.

Ce qu'il faut aussi comprendre, c'est que, contrairement à ses autres bureaux multiservices, celui de Calgary en sera un de niche, entièrement dédié aux secteurs de l'énergie et des ressources naturelles. Avec des spécialistes en valeurs mobilières, en fiscalité, en fusions et acquisitions et même en financement de projets dans les sables bitumineux!

Cette stratégie n'est pas anodine, mais s'inscrit dans celle plus large du développement des affaires internationales. Comme ses concurrents, Ogilvy Renault a des visées sur les grands mandats mondiaux. Le cabinet envoie d'ailleurs depuis quelque temps des équipes d'avocats en mission prospecter des clients en Chine, au Japon, en Inde... Or, qu'est-ce qui intéresse ces investisseurs étrangers? Les ressources canadiennes, bien évidemment.

Avec un pied-à-terre à Calgary, Ogilvy Renault espère obtenir sa part du gâteau...

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