Après avoir frôlé l'abysse en Bourse, le colosse montréalais de la sécurité et du transport de valeurs a retrouvé tout un élan. La valeur boursière de Garda a quadruplé depuis le creux atteint il y a un an.

Certes, à l'instar de toute la Bourse, les actions de Garda n'ont pas encore regagné les sommets atteints dans les mois qui ont précédé le krach de l'automne 2008.

 

Il faut dire que cette crise financière et boursière ne pouvait survenir à pire moment pour l'entreprise montréalaise.

La crise du crédit en particulier avait gonflé le coût de refinancement de l'importante dette de Garda, qui avoisinait alors les 700 millions.

Cet endettement était l'héritage d'une forte croissance par acquisitions, qui avait quintuplé la taille de l'entreprise en trois ans à peine.

Quand la crise financière a frappé, les investisseurs boursiers ont paniqué devant les actions d'entreprises à dette élevée, sans égard à la résilience de leurs revenus.

Chez Garda, en quelques semaines à peine, les actions ont dégringolé des environs de 12$ pièce à moins de 1$!

Un an plus tard, cet épisode angoissant semble bien passé. Même que les recommandations d'achat ont repris le haut du pavé parmi les analystes.

Le plus récent relevé de l'agence financière Bloomberg recense trois avis d'achat contre... zéro revente!

Quant à leur moyenne de prix cible d'ici un an, elle atteint 12,66$. Ça correspond à 16 fois le bénéfice par action anticipé pour le prochain exercice financier de Garda.

Pour y parvenir, Stéphan Crétier et ses principaux adjoints devront confirmer le redressement des résultats à court terme. Le prochain rendez-vous trimestriel avec les investisseurs aura lieu à la mi-décembre.

Aussi, les analystes gardent un oeil sur la gestion de la dette de Garda, encore importante malgré l'apport de la revente d'une filiale américaine, le printemps dernier.

Selon l'analyste Hughes Bourgeois, de la Financière Banque Nationale, le coût en intérêts de la dette de 550 millions de Garda pourrait être abaissé d'au moins 13 millions par an au moyen d'un refinancement à taux moindre.

L'analyste s'attend d'ailleurs à une telle transaction «dans trois à six mois», qui pourrait susciter une plus-value «de 3,50$ à 5$» par action de Garda en Bourse.

Mais pour Stéphan Crétier, une telle hypothèse financière, aussi réaliste soit-elle, ne figure pas dans ses priorités immédiates.

«C'est sûr que nous pourrions chercher du financement un peu moins cher. Mais Garda n'a pas d'échéance importante de dette avant 2013. Et à moins d'une offre fantastique d'ici là, nous obtiendrons des conditions encore meilleures à long terme si nous savons être patients», indique-t-il.

«En fait, c'est un scénario semblable à celui survenu lors de la revente d'une filiale de gardiennage aux États-Unis. Les analystes nous pressaient de vendre pour réduire la dette de Garda. Mais nous avons patienté jusqu'à l'obtention d'un prix bien meilleur que celui que tous anticipaient.»

Quant à l'impact de la récession sur les résultats d'exploitation de Garda, le moins que l'on puisse dire, c'est que ça se passe plutôt bien.

Durant le plus récent trimestre, terminé le 31 juillet, le chiffre d'affaires était en hausse de 1,7% à 1,16 milliard, sur une base annualisée.

Côté profit, Stéphan Crétier s'attend à un bénéfice net de l'ordre de «60 à 70 cents par action» pour l'exercice qui se terminera en janvier. C'est un peu plus optimiste que la moyenne des analystes.

S'il s'avère, un tel bénéfice à hauteur de 20 millions de dollars constituerait un revirement majeur de 115 millions par rapport à la perte de l'exercice antérieur.

Le président de Garda admet que ce revirement résulte surtout de la compression de certains coûts d'exploitation depuis l'an dernier.

Mais pour la suite, la croissance demeure au rendez-vous. «Nous avons des soumissions en cours pour quelque 500 millions en contrats additionnels. Et d'habitude, nous remportons de 15 à 20% des appels d'offres auxquels nous participons», souligne M. Crétier.

Ces soumissions sont surtout en transport de valeurs aux États-Unis et au Canada ainsi qu'en services de gardiennage au Canada.

«Des événements comme la crise du virus H1N1, par exemple, suscitent une demande accrue pour des agents de sécurité», souligne Stéphan Crétier.

Garda a aussi des soumissions en sécurité institutionnelle (diplomates, aide humanitaire) dans des zones à risque du Moyen-Orient: Irak, Afghanistan, Pakistan.

Ces activités outre-mer, très rentables «en raison du risque plus élevé», devraient représenter de «10 à 15%» des revenus de Garda, selon le plan d'affaires à moyen terme du président. Pour les développer, Stéphan Crétier fait souvent la navette entre Montréal et Dubaï, un important carrefour financier et aérien au Moyen-Orient. Il y a d'ailleurs établi une résidence, à proximité du siège administratif régional de l'entreprise.

«La réputation des Canadiens est bonne dans cette région», souligne-t-il.

En Amérique du Nord, les ambitions du président de Garda l'amènent à des déplacements fréquents dans les principales villes d'affaires.

En fait, contrairement aux doutes des investisseurs boursiers, l'an dernier, la crise bancaire de 2008 s'est avéré une occasion pour Garda de se faire valoir davantage dans son principal secteur d'activités: le transport de valeurs pour les institutions financières nord-américaines.

«Ça va très, très bien dans ce secteur, avec des marges bénéficiaires accrues», indique Stéphan Crétier, à propos d'une division qui compte pour près de la moitié des revenus de l'entreprise.

Le président de Garda a d'ailleurs de plus en plus dans sa ligne de mire son principal concurrent, le géant américain Brink's.

«Nous avons maintenant la principale part de marché du transport de valeurs dans les trois grands centres financiers aux États-Unis: New York, Chicago et Los Angeles, soutient-il.

«Nous sommes très bien positionnés pour faire encore plus dans ce marché.»

 

COUP D'OEIL

Activités : transport de valeurs, sécurité et surveillance (Amérique du Nord), sécurité institutionnelle (Moyen-Orient)

Effectifs : 45 000 employés

Siège social : Montréal

Chiffre d'affaires 1 (var. un an) : 1,16 milliard$ ("1,7%)

Bénéfice net 2 (var. un an) : env. 18 millions$ ("115 M$)

Fonds de roulement (au 31 juillet, var. un an) : 24 millions$ (-69%)

Dette à long terme (au 31 juillet, var. un an) : 608 millions$ (-10%)

Cote récente (6 nov., var. un an) : 9,82$ (" 388%)

Valeur boursière (au 6 nov.) : 310 millions$

Principaux actionnaires : Stéphan Crétier (24%), Fonds Natcan (17%), Jean-Luc Landry (1%), etc.

1) Chiffre d'affaires annualisé pour les quatre trimestres terminés au 31 juillet dernier.

2) Bénéfice net attendu pour l'exercice courant, selon la moyenne des prévisions d'analystes et de Garda

Sources : Garda World, agence Bloomberg, archives SEDAR