Depuis sa création en 1992, le Régime d'accession à la propriété (RAP) a permis à deux millions de Canadiens d'emprunter à leur REER pour s'acheter une maison. Or, plus du tiers des propriétaires ne remettent jamais cet argent & et hypothèquent leur retraite. À l'inverse, certains zélés accélèrent le tempo. Mais en remboursant plus vite, ils laissent filer des économies d'impôt. Comment jouer avec le RAP sans faire de fausse note?

En moins de 20 ans, le RAP est devenu une clé quasi-essentielle pour ouvrir la porte du marché immobilier.

Sans le Régime d'accession à la propriété (RAP), les acheteurs languiraient très longtemps sur le perron, le temps de se constituer une mise de fonds suffisante pour l'achat de leur première maison.

 

Avec le RAP, les acheteurs peuvent retirer jusqu'à 25 000$ de leur Régime enregistré d'épargne retraite (REER). À deux, les membres d'un couple disposent ainsi d'un capital de départ de 50 000$.

Ce n'est pas de trop. Dans la région de Montréal, un condo vaut 200 000$ et une maison unifamiliale 244 000$. Sur l'Île, c'est encore plus cher.

À ce prix, il faut au moins 10 000$ à 12 000$ pour s'acheter un nid, car les institutions financières exigent une mise de fonds d'au moins 5%. Et il faut 40 000$ à 50 000$ si l'on veut éviter de payer une prime d'assurance prêt hypothécaire, obligatoire pour les emprunteurs dont la mise de fonds est inférieure à 20%.

Cette prime est calculée en pourcentage du montant du prêt. Le pourcentage varie de 0,5% à 2,75%, selon l'importance de la mise de fonds. Par exemple, il en coûtera 5225$ pour assurer un prêt de 190 000$ si la mise de fonds est de 5%. Et la prime est encore plus élevée pour les travailleurs autonomes et pour ceux qui refinancent leur maison.

Pour éviter de payer cette prime (ou la réduire), il vaut donc la peine de « raper «. Et les Canadiens ne s'en privent pas. Deux millions d'acheteurs ont puisé environ 15 milliards de dollars dans leur REER, depuis la création du RAP en 1992.

Le hic : le tiers des ménages ne remboursent pas leur REER par la suite. Car avec le RAP, on se prête à soi-même & mais il faut aussi se rembourser.

Pendant 15 ans, les emprunteurs doivent remettre dans leur REER le quinzième du montant prélevé au départ. Ceux qui ne le font pas doivent payer de l'impôt sur le montant dû, année après année. De plus, ils perdent l'espace REER à tout jamais, car il est impossible de remettre les montants plus tard.

Mal utilisé, le RAP peut donc hypothéquer considérablement la retraite. Pour vous en convaincre, voici l'exemple de Marc, tiré de la brochure Sachez RAPer sans déraper! publiée cet automne par l'Autorité des marchés financiers et Question Retraite (www.lautorite.qc.ca)

Marc a 10 000$ dans son REER. Cette somme vaudra plus de 57 000$ dans 30 ans s'il laisse l'argent fructifier à 6% dans son REER.

Il se privera de ce montant à la retraite s'il décide de raper 10 000$, sans faire les remboursements prévus, soit 667$ par an, pendant 15 ans. En plus, il devra payer 267$ d'impôt chaque année (imposition marginale 40%).

«Ce qu'il faut retenir, c'est que lorsqu'on retire de son REER, il FAUT rembourser», insiste Julien Michaud, actuaire à l'AMF.

Mais inutile de faire du zèle. Le remboursement accéléré n'est pas la meilleure option non plus. Les propriétaires qui ont un peu de marge de manoeuvre devraient s'en tenir au paiement requis. Leurs épargnes excédentaires devraient servir à de nouvelles cotisations REER, qui donnent droit à une déduction de revenus, contrairement au remboursement du RAP.

Reprenons l'exemple de Marc qui a rapé 10 000$. Il décide de rembourser 2000$ par an, pour rembourser son RAP en cinq ans. Par la suite, il cotisera à son REER le même montant (en considérant le réinvestissement de la déduction d'impôt).

Face à la même situation, son ami Louis décide plutôt de rembourser seulement le montant annuel requis de 667$ et d'utiliser le reste de ses économies pour faire tout de suite de nouvelles contributions REER (toujours en considérant l'investissement de l'économie d'impôt).

Dans 15 ans, il aura presque 2000$ de plus que Marc. Ça vaut la peine de ne pas trop se presser!

Pour joindre notre journaliste sgrammon@lapresse.ca

 

Deux astuces RAP

1. Vous avez des économies à l'extérieur de votre REER? Au lieu d'utiliser directement ce capital (disons 10 000$) pour l'achat de votre première maison, faites d'abord une contribution à votre REER.

Vous aurez alors une économie d'impôt (disons 4000$). Après 90 jours, vous pourrez raper les 10 000$ de votre REER. Vous aurez ainsi 14 000$ pour l'achat de votre maison. Cela vous fera économiser des intérêts sur l'hypothèque, tout en réduisant votre prime d'assurance prêt.

2. Remboursez votre RAP périodiquement. Ce sera plus facile et plus payant, car votre argent se remettra plus vite à fructifier à l'abri du fisc. Disons que vous avez rapé 20 000$. Au lieu de verser 1333$ à la fin de chaque année, faites plutôt des paiements de 111$ tous les mois, ou de 51$ aux deux semaines.