Dans le monde compétitif d'aujourd'hui, qui penserait à sélectionner les employés qui ont des difficultés au travail? Et qui choisirait de les former tout en sachant qu'ils quitteraient bientôt l'entreprise pour travailler ailleurs?

C'est pourtant ce que font les membres du Collectif des entreprises d'insertion du Québec. Ensemble, ces 47 organismes sans but lucratif (OSBL) permettent à 3000 personnes, souvent des assistés sociaux, de réintégrer chaque année le marché de l'emploi.

«Les entreprises d'insertion sont de petits laboratoires qui accueillent des personnes qui vivent des problèmes divers (immigration, drogue, santé mentale, etc.) et qui les aident à reprendre confiance en eux et à comprendre les règles du travail», explique Richard Gravel, directeur général du Collectif.

Quelque 75% des participants ont moins de 35 ans et 77% d'entre eux n'ont pas terminé leur 5e secondaire. «Et ils ont vécu des échecs à l'école et sur le marché du travail», ajoute le dirigeant.

Devenir salarié

Les entreprises du Collectif sont spécialisées dans différents secteurs: alimentation, commerce de détail, commerce de gros, culture, secteur manufacturier, services et tourisme.

«On redonne un statut à ces personnes, explique M. Gravel. Elles ne sont plus des prestataires de l'aide sociale, elles deviennent des salariés. On leur donne une formation et un encadrement psychosocial. On les accompagne et on leur donne des trucs pour réintégrer le marché du travail.»

En moyenne, le parcours de formation dure de six à huit mois. Les équipes d'encadrement sont composées de formateurs. Le taux de réussite est d'environ 80%, assure le directeur général. En contrepartie, parce qu'ils ont une paye, les employés ont un engagement à fournir un rendement.

«On les confronte, dans le cadre d'une entreprise réelle, à la véritable production, dit Richard Gravel. Ils ont de vrais clients. Donc, il y a des standards de qualité à assurer.»

Faire plus

Même si 3000 personnes profitent déjà de ce service chaque année, le dirigeant pense qu'on pourrait faire plus.

«On peut accueillir davantage de personnes, avance-t-il. À court terme, on a une capacité d'accueil de 10% supplémentaire. À long terme, si on faisait une planification, ce serait beaucoup plus.»

Sans compter que certaines régions, comme le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, n'ont pas d'entreprises d'insertion. Mais pour cela, le Collectif a besoin d'une aide additionnelle de son partenaire Emploi-Québec.

Pour le moment, l'enveloppe annuelle d'Emploi-Québec est de 35 millions. Ces sommes servent, essentiellement, à payer les salaires des participants et des formateurs.

«Si la personne demeure prestataire de l'aide sociale, elle coûte cher, soutient M. Gravel. Avant de mettre de l'argent pour chercher celui ou celle qui ne veut pas rien faire, pourquoi ne pas investir cet argent pour ceux qui veulent s'en sortir?»

Une étude, préparée par un économiste, sera publiée dans les prochains mois.

«Notre prétention, c'est que les coûts sont à peu près nuls pour le gouvernement, estime le directeur général. Nos entreprises génèrent de la richesse et apportent une contribution dans les milieux dévitalisés. En plus, les sommes investies servent en grande partie à payer des salaires plutôt que des prestations. Sans oublier que les salariés paient des taxes et des impôts.»

Pour un diplôme

Afin d'aider les participants à se trouver un emploi, le Collectif souhaite qu'une instance gouvernementale offre une reconnaissance des compétences acquises.

«Il faudrait que les personnes qui passent dans les entreprises d'insertion puissent avoir une équivalence, car elles sont confrontées à un marché du travail qui, pour discriminer l'embauche, demande un diplôme de 5e secondaire. Pourtant, ce n'est pas toujours lié au profil du poste mais aux compétences générées.»

Les entreprises d'insertion forment des travailleurs ponctuels, assidus, autonomes et qui ont le respect de l'autorité, ajoute le dirigeant.

Bonne nouvelle! Les femmes de chambre de Service d'entretien Pro-Prêt, de Montréal, viennent de recevoir une attestation du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme. C'est une première au Canada, souligne M. Gravel.

De plus, ce diplôme de reconnaissance sera d'ici peu reconnu par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec (Emploi-Québec).

Les quatre diplômées, qui étaient en situation d'exclusion sociale, ont suivi une formation que le Service d'entretien Pro-Prêt a adaptée à leur réalité.

Comme le souligne le Collectif, 70% des diplômées (29 femmes sur 29 dans les deux dernières années) de ce programme se sont trouvé un emploi, principalement dans de grands hôtels classés trois ou quatre étoiles.

Visibilité

Pour continuer à progresser, le Collectif a aussi besoin de visibilité. «Les consommateurs ne nous connaissent pas assez, dit Richard Gravel. Acheter dans une entreprise d'insertion, c'est enrichir la communauté.»

Une plus grande connaissance de cette initiative permettrait aussi aux chefs d'entreprise de choisir des participants quand vient le temps d'embaucher des travailleurs.

«Quand les entreprises d'insertion seront mieux connues, ce sera un atout au CV de ceux qui sont passés par là et qui cherchent un emploi», souligne le dirigeant.

Par ailleurs, une plus grande visibilité amènerait encore plus d'entreprises prêtes à aider et plus de personnes dans le besoin à participer au mouvement d'insertion.

«Dans la grande majorité des cas, l'information se transmet de bouche à oreille, explique le directeur général. Nos entreprises sont en croissance et on aimerait accueillir de plus en plus de membres et de participants.»

 

L'ENTREPRISE

Le Collectif est le regroupement de 47 entreprises d'insertion, réparties dans 12 régions du Québec. Sa mission est de promouvoir et de soutenir ses membres afin d'intégrer sur les plans social et professionnel des personnes en quête d'un meilleur avenir. Ensemble, ces entreprises génèrent un chiffre d'affaires annuel de plus de 67 millions.

 

DÉFIS

Augmenter le nombre de participants et offrir des diplômes.

 

STRATÉGIES

Améliorer la visibilité du Collectif et travailler de concert avec les partenaires, comme Emploi-Québec.