Sous l'effet de la crise, des hypermarchés français envisagent de proposer pour les fêtes des champagnes à prix cassés, à moins de 10 euros la bouteille, provoquant l'inquiétude de nombreux professionnels attachés à conserver le «roi des vins» dans l'univers du luxe.

«On a la volonté d'avoir des champagnes à moins de dix euros pour les fêtes», assure Christophe Blaise, directeur de l'hypermarché Carrefour de Reims (capitale du champagne), qui minimise aussitôt la portée de l'opération: «cela restera un produit d'appel qui ne touchera pas les vrais amateurs».

Mais les professionnels du champagne craignent que de nombreux producteurs, touchés par la crise, acceptent de brader leur produit à la grande distribution pour renflouer leur trésorerie. Les viticulteurs ont subi une chute des ventes de 19% au premier semestre et leurs stocks ont gonflé cette année à près d'1,2 milliard de bouteilles.

«La crise que nous traversons est conjoncturelle. Elle n'est pas liée à la consommation mais bien un à un problème de déstockage», a expliqué à l'AFP Paul-François Wranken, le PDG du groupe Wranken-Pommery.

«Le manque de visibilité dû à la crise mondiale incite les opérateurs - surtout étrangers - à diminuer des stocks qui représentaient parfois deux ans d'avance pour les ramener à trois mois, d'où une baisse des expéditions», a-t-il précisé.

Même s'il reste optimiste, il ne cache pas que certains opérateurs ayant besoin de liquidités risquent de céder à un effet braderie.

«Je déplore cette pratique de prix cassés car cela ne représente pas la valeur du champagne, c'est dramatique de dévaloriser ainsi le produit, mais face à la difficulté financière c'est compréhensible», concède M. Wranken.

«Il y a dans la profession des personnes extrêmement endettées, alors la tentation de casser les prix est forte, mais vendre en deçà du seuil de rentabilité n'a aucun intérêt, d'autant que cela risque à terme d'atteindre également la valeur symbolique du champagne», juge Dominique Pierre, le PDG du centre vinicole Nicolas Feuillatte, la plus grande coopérative de la région Champagne.

Le Comité interprofessionnel des vins de Champagne craint aussi que les consommateurs habitués à «toujours monter en gamme et en prix» soient déstabilisés par ces «opérations blanches qui attaquent l'image prestigieuse du champagne alors que les grandes maisons vont camper sur leur positionnement tarifaire de début 2009».

Même constat amer pour Patrick Le Brun, président du syndicat général des vignerons, qui redoute en plus «une dégradation de la qualité, si l'opération se prolongeait». Selon lui, il s'agit d'un mauvais calcul à long terme, car «les bouteilles vendues à vil prix manqueront aux Champenois quand les marchés repartiront à la hausse».

Pierre-Emmanuel Taittinger, président de la maison de champagne éponyme, ne doute pas de la reprise. «Le champagne, n'a jamais été aussi bon, et en période difficile on ne doit pas se priver d'un luxe accessible», estime-t-il.