Les explorateurs de gaz naturel ont progressé de façon notable, depuis un an, vers l'exploitation du gaz naturel à grande échelle dans les basses terres du Saint-Laurent.

Cependant, tous conviennent que du temps et des centaines de millions d'investissements seront encore nécessaires pour y arriver.

Selon Raymond Savoie, président et chef de la direction de Gastem, chaque forage effectué par l'un ou l'autre des explorateurs hausse d'un cran la courbe d'apprentissage obligatoire qui mène à l'exploitation.

«Il faut accumuler les connaissances, trouver la recette idéale, celle qui allie la meilleure technique de fracturation et les meilleures méthode d'exploitation», explique-t-il.

L'exploration de l'Utica a moins de deux ans d'histoire. Neuf puits gaziers ont été percés depuis, avec des productions inférieures à 1 000 000 pieds cubes par jour (1000 kpc/j).

M. Savoie soutient que ces résultats sont comparables à ceux des shales de Fayetteville, en Arkansas, au même stade de développement. Après quatre années d'essai, les exploitants de Fayetteville ont réussi à augmenter le débit à plus de 3000 kpc/j.

Gastem possède une participation de 20% dans la propriété Yamaska, qui couvre 112 000 acres. C'est sur ce territoire que Forest Oil, qui gère les travaux, a percé deux puits horizontaux et effectué des essais de fracturation en 2008-2009.

Les résultats ont été peu concluants parce que des problèmes techniques ont nui aux essais. Par après Forest Oil a mis en veilleuse ses travaux au Québec pour concentrer ses ressources à l'exploration de ses propriétés gazières américaines.

Entre-temps, Gastem participe à l'exploration d'une concession de Canbriam Resources située près de Saint-Hyacinthe. Elle y investira jusqu'à 4 millions en 2009-2010 pour acquérir une participation maximale de 17%.

Gastem dispose de 8 millions pour financer tous ses travaux, incluant ceux de ses concessions américaines.

Talisman et Questerre prennent la commande de l'Utica

La pause de Forest Oil dans l'Utica ouvre toute grande la porte au duo Talisman Energy et Questerre Energy.

Talisman a acquis de Questerre les droits sur 75% de la production provenant de la concession de 720 000 acres située principalement le long de l'autoroute 20, entre Québec et Saint-Hyacinthe.

Selon Marianne Molgat, chef d'équipe de la géologie, géophysique et du génie de développement de Talisman Energy pour le Québec et l'Ontario, Talisman prévoit investir 12 millions au cours des prochains mois.

Ces travaux comprennent notamment le creusage de deux puits horizontaux de 1 km de longueur dans la région Chaudière-Appalaches.

On procèdera également à la fracturation de la roche à plusieurs endroits le long de ces puits. Talisman a déjà percé six puits verticaux qui lui ont permis de savoir quelle couche de l'Utica était la plus propice à la fracturation et à la libération du gaz.

«Les puits horizontaux permettront maintenant d'évaluer le débit initial et la productivité qu'on peut espérer avec ces puits, explique Mme Molgat. Si les résultats sont probants, on aménagera des puits pilotes pour déterminer la meilleure combinaison possible des techniques disponibles.»

Questerre garde une participation de 25% dans la concession, plus une redevance de 4,5% sur le gaz produit. La société vient de recevoir le rapport du consultant texan Netherland, Sewell&Associates, embauché pour évaluer le volume de gaz en place et potentiellement récupérable de ses concessions de l'Utica.

Selon la firme indépendante, ce volume se situerait entre 2200 et 8000 milliards de pieds cubes (entre 2,2 et 8 tcf). La vente de 2,2 tcf vaudrait 6,6 milliards au cours actuel du gaz. Ce volume en question est la part de Questerre dans toute ses propriétés dans l'Utica au Québec, incluant celle avec Forest Oil et Gastem.

«Nous on trouve que c'est encore tôt dans les travaux. Avant de parler de volume, nous préférons attendre les résultats des puits horizontaux», dit Mme Molgat.

Junex procédera à d'importants tests à Saint-Augustin

Très prudent dans ses prédictions, Jean-Yves Lavoie, président et chef de la direction de Junex, signale plusieurs conditions favorables à une future exploitation des shales de l'Utica: la présence de ressources prospectives importantes, le prix supérieur du gaz naturel de l'Utica par rapport à celui du Nymex, des redevances peu élevées à autour de 12% et la proximité des marchés et des pipelines.

Selon lui, il faudra établir trois ou quatre projets pilotes situés près des pipelines pour prouver la faisabilité de l'exploitation.

Des investissements de 200 à 300 millions des divers participants seront nécessaires et, ajoute-t-il, les travaux n'en sont qu'à la deuxième année d'un projet de quatre à cinq ans.

Entre-temps, Junex continuera d'explorer ses propriétés détenues à 100%, tout en étant très parcimonieuse avec les 25 millions en banque.

La stratégie de M. Lavoie consiste à explorer des cibles gazières de faible profondeur (entre 400 et 1200 mètres), là où ses propres équipements de forage sont les plus efficaces et les coûts moindres.

Dès cette année, Junex explorera sa concession de Saint-Augustin, sur la rive nord du Saint-Laurent près de Québec, là où un forage de 2008 à détecté la présence de gaz dans l'Utica. M. Lavoie suit exactement la procédure menée par Forest Oil à Bécancour. Selon lui, l'analyse du contenu en matière organique des shales de Saint-Augustin a donné des résultats comparables à ceux de Forest Oil.

Toujours d'une grande prudence, M. Lavoie arrête là la comparaison. Il préfère attendre les vrais tests de débit de gaz avant de parler volumes potentiels, même si des spécialistes externes en ont fait une évaluation sommaire.

Junex effectuera elle-même prochainement, avec l'aide de consultants spécialisés, la fracturation du puits de Saint-Augustin. Grâce à des outils sismiques placés dans un puits de contrôle, Junex sera en mesure d'évaluer les réserves de gaz, si réserves il y a. Soulignons qu'un pipeline passe tout près de la concession.

Pour les concessions où les cibles sont plus profondes et qui exigent plus de capitaux, Junex cherchera des partenaires pour les explorer.

Pétrolia reprend le flambeau

En Gaspésie, c'est la petite société Pétrolia qui a repris le flambeau de l'exploration pétrolière, après avoir réglé le différend avec son partenaire Junex.

La société vient de commencer le forage d'un puits situé à 1 km à l'ouest du puits de découverte Haldiman #1. Le coût de ce forage s'élèvera à 3 millions.

Toutefois, Junex et Gastem, qui possèdent, respectivement, des participations de 45% et de 10% dans le puits de découverte Haldiman, ont décidé de ne pas participer à ce forage. Leur participation sera diluée au prorata des dépenses encourues.

André Proulx, président et chef de la direction de Pétrolia, et le chef géologue Bernard Granger s'attendent à pouvoir annoncer des résultats préliminaires d'ici une quarantaine de jours.

«L'objectif est de confirmer le puits de découverte qu'Haldimand # 1 et de recueillir les paramètres nécessaires pour prendre une décision sur la mise en production», explique M. Granger.

Le débit du puits Haldimand # 1 a atteint environ 33 barils de pétrole par jour, plus une certaine quantité de gaz naturel, durant la période du test de débit.

Un troisième puits, situé à une quinzaine de km d'Haldimand #1, est prévu. Pétrolia tentera d'y retrouver une structure semblable à Haldimand.

Par ailleurs, Pétrolia a intéressé et intéressera d'autres partenaires à l'exploration de ses vastes concessions de la Gaspésie et de l'île d'Anticosti. La société a embauché un foreur albertain pour creuser les deux puits, avec une option pour six puits additionnels.

«C'est impossible qu'on finance nous-mêmes l'exploration de toutes ces propriétés. C'est pourquoi nous allons signer des ententes comme celle avec Pilatus Energy Canada, qui a déjà investi 3 millions en levées sismiques sur la propriété Bourque», a ajouté M. Proulx.