Perdus dans de mauvais placements ou carrément «volés et cachés quelque part»?

Le recouvrement des «dizaines de millions» en fonds gérés par la firme d'Earl Jones s'annonce très peu probable, a admis son syndic de faillite à la sortie du tribunal, hier, à Montréal.

Et même si cette faillite décrétée en justice accroît ses pouvoirs d'investigation, Gilles Robillard, de la firme RSM Richter, estime déjà que la centaine de clients du soi-disant conseiller financier n'ont «pratiquement aucune chance» de retrouver leur argent.

 

Aussi, son enquête comptable pourrait durer plusieurs semaines, sinon quelques mois, au-delà d'une première assemblée des créanciers, prévue à la mi-août.

C'est à ce moment aussi que doit être entendue en Cour une seconde requête en faillite dans cette affaire, qui cible cette fois directement Earl Jones et son actif personnel.

Il s'agirait surtout de propriétés résidentielles à Dorval, au Mont-Tremblant et en Floride, mais toutes déjà lourdement hypothéquées.

Quant à la société d'Earl Jones, «il nous manque encore beaucoup de documents et d'information, que nous espérons retracer au cours des prochaines semaines. Mais de ce que nous avons constaté jusqu'à maintenant, il n'y a pratiquement aucun espoir de récupérer les fonds administrés, qui avoisineraient les 50 millions», a expliqué M. Robillard après la brève audience en Cour supérieure, hier, pour obtenir une ordonnance de faillite pour Earl Jones Consultant & Administration Corporation.

En tant que syndic de faillite agréé par la Cour, Gilles Robillard peut désormais forcer des proches et des adjoints d'Earl Jones à collaborer à son enquête comptable, sous peine de sanction judiciaire.

Cela comprend les quelques ex-employés de la firme qui ont «refusé toute collaboration jusqu'à maintenant».

Aussi, M. Robillard entend interroger la femme d'Earl Jones, qui s'est avérée «l'employée la mieux payée de la firme», selon l'information recueillie depuis trois semaines.

De plus, le couple Jones aurait retiré à des fins personnelles l'équivalent de «50 000 à 70 000$ par mois» de la firme de gestion, en salaires et en remboursements de dépenses.

Par ailleurs, avec la mise en faillite de la société d'Earl Jones, le syndic obtient des pouvoirs de perquisition et de requête de documents auprès de tous ses intervenants d'affaires.

Cela comprend les banques par lesquelles ont transité les fonds au fil des ans, en particulier les chèques de rente ou d'intérêts distribués chaque mois aux clients jusqu'à ce qu'ils se butent à des fonds insuffisants, il y a deux mois.

«M. Jones dirigeait une affaire de type pyramidal, c'est-à-dire que, depuis des années, les fonds provenant de nouveaux clients servaient à payer les clients plus anciens», a expliqué M. Robillard.

«Mais depuis un an, il n'avait plus de nouveaux clients, ce qui a provoqué un manque de fonds. Aussi, il avait vu venir le coup parce qu'il a encaissé en janvier dernier tous ses placements personnels et ses polices d'assurance. Il était aussi absent de sa firme depuis des mois.»

Juste auparavant, en Cour, le syndic avait déclaré: «La société d'Earl Jones était à l'abandon lorsque nous en avons pris possession par mise sous séquestre, le 10 juillet dernier.»

Par ailleurs, Gilles Robillard veut connaître le nombre et l'ampleur des prêts obtenus par Earl Jones au nom de ses clients, mais à leur insu et de façon vraisemblablement frauduleuse.

«Certains renseignements suggèrent qu'il a obtenu sur des actifs de ses clients des dizaines de prêts dont ils le savaient rien», a indiqué M. Robillard.

D'ailleurs, c'est le type de magouille financière dont a témoigné hier en Cour une cliente d'Earl Jones, Mme Mary Sue Gibson, qui était aussi la principale requérante pour la mise en faillite. La famille Gibson lui avait confié 1 million de dollars en actifs. Elle a décidé d'agir en justice après le refus d'encaissement de quelques chèques en juin dernier.

C'est à ce moment aussi que les Gibson ont constaté qu'Earl Jones avait obtenu un prêt de 125 000$ en leur nom, en contrefaisant leurs signatures.

«Nous n'en savions rien, ni n'avons jamais obtenu le moindre argent de ce prêt», a témoigné Mme Gibson sous serment.