Il ne fait aucun doute que l'énergie hydroélectrique est renouvelable, mais est-elle verte?

Les gouvernements de plusieurs États américains ont lancé le débat lorsqu'ils ont refusé d'inclure les projets de grandes centrales hydroélectriques dans leurs programmes mis en place pour stimuler le développement de sources d'énergie propres et renouvelables.

Est-ce des intérêts écologiques ou économiques qui se cachent réellement derrière cette polémique qui hérisse certains acteurs de l'industrie québécoise?

«L'énergie hydroélectrique est certainement une énergie renouvelable, mais cela ne veut pas dire qu'elle est propre pour autant», affirme Éric Duchemin, professeur à l'Institut des sciences de l'environnement de l'UQAM et vice-président de Nature Québec.

«En fait, les réservoirs hydroélectriques ont des impacts assez majeurs sur les écosystèmes et ils émettent des gaz à effet de serre (GES), mais évidemment, ils en émettent beaucoup moins que les centrales thermiques au charbon ou celles au gaz naturel», explique-t-il.

Pour sa part, Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et spécialiste des politiques énergétiques, croit que tout ce débat lancé par les États-Unis est davantage une question de stimuler la recherche et le développement qu'une question d'écologie.

«Plusieurs États américains ont adopté un Renewable Portfolio Standard qui oblige les fournisseurs d'électricité à aller chercher un certain pourcentage de leur énergie auprès d'une source renouvelable. D'un État à un autre, la politique varie, mais elle a toujours le même objectif: favoriser le développement de petits projets locaux d'énergie verte», explique-t-il.

L'expert est donc d'avis qu'il est tout à fait normal que l'énergie hydroélectrique québécoise ne soit pas admissible à ces programmes.

«Chaque État a son programme et même l'énergie verte créée par de petits projets de l'État voisin n'est pas admissible. C'est bien normal. La population est prête à payer un peu plus cher pour une partie de son énergie si cela stimule la R&D sur son territoire, mais pas sur le territoire de son voisin», soutient-il.

Pierre-Olivier Pineau croit donc qu'il ne faudrait pas tirer comme conclusion que les États-Unis ne considèrent pas l'énergie hydroélectrique comme une énergie verte.

«D'ailleurs, plusieurs États ont des projets de petite centrale hydraulique dans leurs sources d'énergie renouvelable admissibles au programme», précise-t-il.

«C'est vrai, mais il faut savoir que généralement, ces projets n'ont pas de réservoir, donc ils inondent très peu les terres et causent moins d'impacts», nuance M. Duchemin qui a été l'expert des réservoirs pour le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pendant plusieurs années.

Claude Béchard, ministre des Ressources naturelles et de la Faune, coupe court au débat. «Aux États-Unis, la Federal Energy Regulatory Commission a reconnu à la fin mai que l'hydroélectricité du Québec était une énergie propre et renouvelable. C'est ça qui est important pour nous. L'histoire d'être admissible à leurs programmes de subventions, ça ne nous intéresse pas. Il n'est pas question qu'on entre en concurrence avec les petits projets d'énergie solaire et éolienne. On n'a pas besoin de cet argent parce que de toute façon, nous produisons notre énergie à un coût très concurrentiel», dit-il.

Des impacts malgré tout

Ce qui chicote tout de même Éric Duchemin, c'est que, comme la production hydroélectrique cause moins de dommages à l'environnement que la production d'énergie fossile, on a tendance à ne pas considérer ses impacts.

«Les projets hydroélectriques émettent des GES, que ce soit par les réservoirs, la production de ciment et de métaux, les camions utilisés pour la construction des lignes de transport qui nécessitent pour leur part de la déforestation, etc. Pourtant, dans son inventaire de GES attribuables à la production hydroélectrique, le gouvernement du Canada tient seulement compte des émissions des réservoirs, alors que les autres émissions sont comptabilisées dans d'autres secteurs. Cela laisse comme impression que la production d'hydroélectricité émet moins de GES qu'elle ne le fait en réalité.»