Après plusieurs mois de réflexion, les associés du groupe de droit des affaires de Bélanger ont décidé de quitter le cabinet. Pourront-ils se recaser ailleurs?

Petite onde de choc cette semaine dans la communauté juridique montréalaise, mais onde de choc quand même: la rumeur qui courait depuis quelques mois sur Bélanger Sauvé s'est confirmée, alors que le cabinet d'avocats a décidé d'entreprendre une cure d'amaigrissement.

 

«Ça me désole, mais c'était devenu inévitable», explique l'associé-directeur, Pierre Sauvé.

Bélanger Sauvé passera ainsi de 65 à quelque 45 avocats pour recentrer sa pratique dans deux domaines, soit le droit administratif et le droit des assurances.

Out, donc, le droit des affaires!

Cela faisait plusieurs mois, depuis l'automne en fait, que les associés du groupe de droit des affaires jonglaient avec l'idée de quitter le cabinet. La décision n'a été prise que tout récemment.

Résultat net: de 15 à 20 avocats de ce secteur poursuivront leur carrière ailleurs, dans des cabinets de plus grande taille. Ils quitteront au plus tard le 1er janvier 2010.

Cette décision coïncide avec la fin de bail du cabinet à la Place Ville-Marie, prévue en avril 2010. Les associés devaient décider de le renouveler ou non. Manifestement, cela leur tentait plus ou moins.

Avis donc aux promoteurs d'immeubles à bureaux: la direction du Bélanger Sauvé aminci est depuis peu à la recherche de nouveaux locaux à Montréal. La Place Ville-Marie n'est pas exclue, mais, assurément, le cabinet n'aura pas besoin de 35 000 pieds carrés comme c'est le cas présentement.

Tout tenté

«On a tenté de faire grandir notre groupe en droit des affaires, mais sans trop de succès», admet Pierre Sauvé, lui qui s'est joint au cabinet en 1978, justement pour y fonder, avec trois de ses collègues, le groupe du droit des affaires. Il explique que le cabinet a tout tenté: fusionner avec un concurrent, attirer des équipes complètes d'avocats, recruter individuellement chez la concurrence...

En fin de compte, explique Me Sauvé, il a bien fallu se rendre à l'évidence que le cabinet était incapable d'attirer des avocats aux compétences très pointues (fiscalité, valeurs mobilières), compétences qu'exigent les clients d'aujourd'hui.

En droit des affaires, la clientèle de Bélanger Sauvé était surtout composée de PME. Le problème, c'est que lorsque les clients devenaient trop gros, le cabinet était rapidement à bout de souffle, manquant cruellement de ressources pour bien les servir.

«Au bout de quelques années, on finissait par perdre des clients au profit de cabinets plus gros», souligne Pierre Sauvé, qui dit comprendre la décision de ses collègues du droit des affaires.

Il est vrai que certaines transactions commerciales peuvent être gourmandes sur le plan des ressources juridiques, exigeant parfois des équipes de 15 à 20 avocats et même davantage, le genre de ressources que seuls les grands cabinets nationaux sont capables de s'offrir.

Pour Bélanger Sauvé, ce «recentrage» est un peu un retour aux sources. En 1967, année de sa fondation, le cabinet - qui se nommait alors Lacroix, Viau, Bélanger - exerçait surtout en droit municipal, une branche du droit administratif. Aujourd'hui, le gros du chiffre d'affaires provient surtout du secteur du droit des assurances, proportion qui devrait encore grossir une fois que le droit des affaires aura été définitivement abandonné.

La situation de Bélanger Sauvé n'est pas sans rappeler celle d'un autre cabinet québécois, Desjardins Ducharme, disparu il a deux ans, et dont une trentaine d'avocats avaient été recrutés chez Lavery. Pierre Sauvé assure qu'il n'en est rien, que son cabinet ne se dissout pas, qu'il s'agit simplement d'une réorganisation, comme toute bonne entreprise se doit de faire lorsque la situation l'exige.

On aurait voulu rester ensemble, assure Me Sauvé, qui lui, toutefois, n'a pas l'intention de se joindre à un autre cabinet. «J'ai 70 ans, je rentre chez moi.»

Entre l'arbre et l'écorce

Il n'empêche que cela ravive l'éternel débat de la survie des cabinets d'avocats de taille moyenne, qui se retrouvent coincés entre les mastodontes nationaux, aux ressources quasis inépuisables, et les cabinets boutiques, hyper spécialisés, capables d'offrir des services juridiques de luxe à moindres coûts.

À Montréal, on spécule depuis longtemps sur l'avenir de firmes qui comptent entre 50 et 100 avocats comme Lapointe Rosenstein, Langlois Kronström Desjardins ou Dunton Rainville, tous de très bons cabinets, mais qui pour plusieurs sont soient trop petits pour servir les grandes entreprises ou trop gros pour servir les petites.

«Ce n'est pas une question de taille, mais de volonté», dit le président de Dunton Rainville, Jean-Jacques Rainville, qui ne souscrit pas, mais alors pas du tout, à cette théorie. Selon lui, les cabinets qui réussissent sont ceux qui investissent dans leur développement, c'est-à-dire qui n'hésitent pas à payer le prix pour attirer les meilleurs talents, peu importe leur taille.

Pour le prouver, Me Rainville lance d'ailleurs un message à toute la communauté juridique: «Je cherche des avocats!» Idéalement, dit-il, des associés avec clientèle ou des avocats avec le potentiel de devenir associés rapidement.

Ça tombe bien, il y a justement une vingtaine d'avocats avec clientèle qui se cherchent du boulot...

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