Des bouteilles de jus d'orange qui rétrécissent, des T-shirts dépouillés de détails esthétiques trop coûteux: l'industrie de la distribution aux Etats-Unis fait feu de tout bois pour continuer d'attirer les consommateurs, déprimés par la crise.

«Cela a commencé cet automne lorsque les consommateurs ont cessé de dépenser. Les commerçants se sont évertués à trouver des moyens pour les faire entrer dans leurs magasins», explique à l'AFP George Whalin, consultant dans le secteur commercial. «Moins 20%, c'est le prix de départ maintenant», analyse ce spécialiste de la distribution chez Standard and Poor's. «Vous devez en passer par là si vous voulez que les consommateurs envisagent d'acheter».

Selon une étude du Boston Consulting Group, réalisée en mars, les Américains sont devenus avec la récession parmi les consommateurs au monde les plus préoccupés par leur épargne, après les Japonais.

Ces derniers mois, 81% ont économisé sur des biens essentiels, et 73% affirment qu'ils vont encore réduire leurs dépenses, selon cette étude qui a interrogé plus de 21 000 consommateurs dans le monde.

«Le plus gros problème, c'est le chômage. Personne n'est sûr d'avoir encore un travail dans six mois», résume George Whalin.

Les secteurs où les Américains se serrent davantage la ceinture sont, dans l'ordre: les restaurants, l'habillement, les accessoires de mode. Les en-cas à grignoter n'arrivent qu'en dernière position.

Face à ce sombre tableau, les commerçants contre-attaquent. «Dans les grands magasins de luxe, les détaillants ont demandé à leurs fournisseurs de réduire leurs prix sur les articles de mode. Dans l'épicerie, les magasins délaissent les articles de marque pour mettre en avant leurs lignes de produits maison qu'ils vendent 30% moins cher», affirme à l'AFP Michael Silverstein, du Boston Consulting Group à Chicago, auteur d'un livre sur le sujet.

Ainsi dans l'habillement surtout, les commerçants réinventent la frugalité, supprimant par exemple un galon de tissu à la ceinture du modèle de base d'un pantalon pour le vendre moins cher, comme chez American Eagle.

«Dans le secteur de l'habillement, les rabais ont d'abord été un moyen d'attirer les consommateurs», explique George Whalin, notant que cette politique a aussi coûté cher aux détaillants dont la marge de profit est au plus bas.

«Maintenant, tout en continuant à pratiquer des rabais sur les marques de designers, ils mettent sur les rayons des produits qui coûtent déjà moins cher à fabriquer», ajoute cet expert.

Pour renouer avec les profits, les distributeurs usent d'autres astuces. Pour la première fois en 40 ans dans l'histoire des «malls», ces immenses centres commerciaux, les horaires d'ouverture sont rognés.

«Au cas par cas, nous avons raccourci nos horaires vu la situation difficile de la distribution et les effets de l'économie sur les habitudes d'achats des clients», reconnaît la porte-parole de la chaîne de librairies Barnes and Noble, qui s'offrait jusqu'alors le luxe de rester ouverte tous les jours, dimanche compris, jusqu'à 23 heures.

Dans l'alimentation, les emballages rétrécissent permettant, sans baisser le prix, de vendre moins en quantité. «Un laser rétrécissant sévit dans les supermarchés en Amérique», notait récemment Bob Popken, du site de défense des consommateurs consumerist.com.

Ainsi, la taille d'un bocal de mayonnaise Hellman, produit de base dans la cuisine américaine, est-il passé de 907 g à 850 g, tandis que la silhouette de la bouteille de jus d'orange Tropicana s'est affinée pour contenir, au même prix, un verre de jus de moins.