Pour bien gérer son patrimoine, il faut utiliser les bons outils financiers. Ce dixième texte d'une série de 12 porte sur les placements non traditionnels. La semaine prochaine, on abordera la planification successorale.

Les placements non traditionnels - fonds de couverture, placement privé, immobilier, forêts, bétail, infrastructures, matières premières, devises - n'obéissent pas aux mêmes règles que la Bourse.

On les a donc souvent présentés comme des placements non corrélés aux marchés boursiers qui offrent de meilleures perspectives de rendement que les obligations ou les bons du Trésor.

Ajoutés à un portefeuille, ces placements étaient susceptibles de réduire le risque en préservant ou bonifiant la performance.

Mais dans les faits, nombre de ces placements ont échoué durant la crise du crédit. On n'a qu'à penser au repli des matières premières et du marché immobilier américain, et à la déconfiture de nombreux fonds de couverture.

«Beaucoup de gestionnaires alternatifs ont été rayés de la carte», dit Patrick Ducharme, vice-président chez De Champlain Services financiers.

«Dorénavant, il faudra s'assurer que ces produits sont réellement non corrélés à la Bourse», renchérit Alain Roch, de Blue Bridge Consultants en Gestion de Patrimoine.

La récente crise vient donc alourdir encore un peu plus le processus de sélection de ces placements sophistiqués, auxquels on accède le plus souvent par l'entremise d'un gestionnaire de portefeuille.

Normalement, on doit s'informer au préalable de la réputation, des compétences et des pratiques du gestionnaire. Pourra-t-il contrôler le risque?

Rappelons qu'environ 10% des fonds de couverture disparaissent en moyenne chaque année.

«Comme les approches d'investissement ne sont pas homogènes, il faut les analyser afin de s'assurer qu'elles pourront générer un bon rendement sans encourir un risque trop grand», note Frank Belvedere, de Mercer Investment Consulting.

«On ne regardera pas seulement les rendements passés, ajoute-t-il. D'ailleurs, si un gestionnaire a des rendements plus élevés que la moyenne, on doit tenter de comprendre d'où vient cet écart. Clairement, pour afficher des rendements de 40 à 50% par an, un gestionnaire prendra de très grands risques.»

Mais c'est parfois plus facile à dire qu'à faire. «Certaines ententes de gestion ne sont pas transparentes, prévient Alain Roch. Alors, il faut prendre le temps de lire toutes les petites lignes du contrat parce que certains gestionnaires se gardent un droit de regard sur une portion de l'actif. Supposément le secret de leur succès... Mais ces placements cachés se sont souvent avérés très peu liquides, augmentant du coup le risque de la stratégie.»

À cela, il faut ajouter que des gestionnaires limitent les retraits. Les verrous mensuels, trimestriels ou annuels sont assez fréquents. Une période d'attente qui doit sembler une éternité quand le gestionnaire dérape complètement...

Enfin, les services d'un gestionnaire se monnayent par des frais, qui réduisent d'autant la performance. Pour ne pas payer trop de frais, il faut prendre le temps de les évaluer et les comparer.

À l'issue de cette analyse poussée, l'investisseur dénichera normalement une stratégie correspondant à son profil de risque. «Il mettra en général au maximum 20% du portefeuille dans cette classe d'actif», signale M. Roch.

Des produits supposément pour tous

Jusqu'à tout récemment, les placements non traditionnels étaients réservés aux investisseurs acrédités, tels les régimes de retraite, les assureurs et les gens fortunés. Mais l'arrivée de produits structurés, de billets garantissant le capital et de fonds indiciels négociables en Bourse et fonds communs axés sur des placements alternatifs a permis de les démocratiser.

N'empêche qu'à part, peut-être, des fonds cotés investis dans les lingots d'or et des fonds indiciels et des fonds communs axés sur l'immobilier et les infrastructures mondiales, ces produits s'adressent aux investisseurs avertis seulement.

Issus d'une ingénierie financière complexe, la plupart des produits alternatifs exigent de bonnes connaissances financières pour les comprendre. «Les prospectus sont souvent très laborieux et parsemés de formules mathématiques», dit Patrick Ducharme, vice-président chez De Champlain Services financiers.

«On a cherché pendant près de deux ans avant de trouver un produit sur mesure pour nos portefeuilles», ajoute-t-il.

Le billet avec garantie du capital dont il est question a vraiment livré la marchandise pendant le krach. Il a bonifié le rendement des portefeuilles pendant la correction boursière. Et depuis mars, qui marque la reprise des marchés, il sous-performe à la Bourse.

Mais il suffirait d'une corrélation trop étroite avec la Bourse, d'une stratégie d'investissement trop risquée, d'un manque de transparence et de liquidité, et de frais trop élevés pour annuler ces bénéfices.

Malgré ces risques, plusieurs investisseurs, réconfortés par la garantie du capital accolée à certains produits, plongent sans se méfier. «Mais cette protection profite souvent davantage aux compagnies financières qu'aux investisseurs», prévient Alain Roch, de Blue Bridge Consultants en Gestion de Patrimoine.

«Plusieurs billets à capital protégé ont été monétisés durant la crise, ajoute M. Ducharme, c'est-à-dire qu'ils n'investissent plus dans les placements non traditionnels étant donné que la valeur du portefeuille a chuté près de sa valeur liquidative.» Résultat, des investisseurs, dont l'argent est gelé pour cinq ans ou plus, recevront seulement leur mise de départ à l'échéance.

La baisse des taux d'intérêt handicape aussi ces produits. Car, pour garantir le capital, certains billets investissent une partie du portefeuille dans des coupons détachés et le reste dans des placements non traditionnels.

«Ainsi, à un taux de 5% sur 5 ans, 79% du capital était mis de côté, et le surplus permettait d'aller chercher de la valeur, note M. Roch. Maintenant, avec un taux de 2%, 91 % du capital est sécurisé et 9% procure de la valeur...»