La crise économique ne fait pas que des malheureux. À Londres, la débâcle financière a entraîné des couples millionnaires devant des tribunaux de divorce. En ces temps de vache maigre, chacun tente de s'emparer du butin. Résultat: les avocats spécialisés en matière de divorce ne chôment pas ces jours-ci. Notre correspondante en a rencontré un.

«N'allez surtout pas donner l'impression que je me réjouis d'être si occupé», avertit tout de go Russell Bywater lors de notre rencontre dans un hôtel cinq étoiles du centre-ville de Londres.L'avocat de famille, spécialisé dans les divorces, tente de minimiser le flot de clients qui se bousculent à sa porte. Pour la plupart, ce sont des hommes d'affaires et des banquiers millionnaires qui ont perdu beaucoup d'argent depuis un an.

Russell Bywater n'a plus une minute à lui. Il emploie deux assistants à temps plein et une assistante à temps partiel. Il y a un an, il pouvait se contenter d'un seul adjoint.

Ces jours-ci, il supervise 200 cas de divorce. Environ 80 de plus qu'il y a un an.

Que s'est-il passé? La crise. Presque toutes les grandes banques britanniques ont été nationalisées à divers degrés depuis l'été 2007. En cette saison de bonus, les financiers de la City prévoient récolter 3,6 milliards de livres sterling (environ sept milliards de dollars canadiens). Cela représente seulement 40% des bonus de 2007.

Pour certains magnats, c'est le temps ou jamais de divorcer. Leurs revenus ayant baissé, ils espèrent s'en tirer avec une entente moins généreuse envers leur ex-épouse.

Russell Bywater, partenaire depuis 19 ans à Dawson Cornwell, affirme que son téléphone ne dérougit pas depuis l'automne dernier, alors que la récession ne faisait plus aucun doute.

«J'ai une cliente qui était séparée de son mari depuis deux ans. Celui-ci vient de demander le divorce. Il valait 22 millions de livres sterling en janvier 2008. Son portefeuille d'actions a fondu. Il ne possède plus que six millions», explique-t-il avec son accent chantant du Yorkshire.

Dans beaucoup d'autres cas, des hommes récemment divorcés sont pris de panique. Ils réalisent qu'ils ne peuvent plus offrir les allocations promises. Acculés au pied du mur, ils retournent en cour pour les faire réviser à la baisse.

«Normalement, ces divorcés ne peuvent pas faire rouvrir leur dossier. Ils plaident un cas de force majeure. Les tribunaux verront de plus en plus de ces cas», prédit l'homme de 49 ans.

L'avocat passe donc plus de temps en cour. Et il remarque que les luttes sont plus féroces entre les parties. Environ 20 % de ses dossiers doivent se régler devant un juge en comparaison à 5 % en temps normal.

Un divorce rentable

À l'opposé, plus de couples préfèrent se réconcilier plutôt que de se partager des miettes au terme d'un divorce coûteux.

«La situation économique est particulièrement incertaine en ce moment, explique-t-il. Personne ne sait quand elle va se rétablir. Cela peut sembler cynique, mais c'est un peu le même principe qu'avec les marchés boursiers : quand est-ce plus rentable de divorcer?»

La crise est aussi en train de redéfinir les types de règlements de divorces. Maintenant, le pourvoyeur du couple propose un pourcentage de ses actions plutôt que de l'argent liquide. D'autant plus que la vente d'actions ferait chuter davantage leur valeur.

Lorsqu'ils roulaient sur l'or, les clients de M. Bywater étaient réticents à ce genre d'entente. Plus maintenant. «Aujourd'hui ils me disent : Russell, tu es un génie !» rigole-t-il.

Les employés de Russell Bywater ont aussi le sourire aux lèvres. Au moment où le nombre de chômeurs a franchi le cap des deux millions au pays, sa firme recrute toujours. Elle compte 25 % plus d'employés depuis un an.

Mais ne comptez pas sur l'avocat pour s'en vanter...

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La crise en Grande-Bretagne en trois chiffres

Deux millions

Le nombre de chômeurs en Grande-Bretagne

1800 milliards de dollars canadiens

Le montant pour lequel le gouvernement britannique s'est engagé pour sauver les banques de la crise.

50 000 dollars canadiens ou 11,5%

Les pertes de la valeur moyenne d'une maison depuis un an.