Kathryn Dasch a tout de la femme d'affaires typique de Manhattan. Tailleur noir, poignée de main ferme, regard confiant. Mais derrière les apparences, elle cache une lourde inquiétude.

La grande blonde de 28 ans a perdu son poste d'assistante au pupitre de négociation (trading desk) de la Bank of New York en février 2008, «quand les choses ont commencé à mal aller». Elle a reçu une bonne indemnité de départ et attendu deux semaines avant de commencer à chercher un nouveau boulot, certaine de se replacer rapidement.

 

«J'ai cherché sur le site Craigslist et ensuite avec des agences de placement, et ça s'est avéré désastreux», dit-elle.

Après des mois de recherche infructueuse, elle s'est enrôlée comme réserviste dans l'armée américaine en juillet dernier, alléchée par le bonus de signature d'environ 20 000$. Puis elle a été envoyée en Caroline-du-Nord pour un entraînement de cinq mois. «Pire que tout ce qu'on peut imaginer.»

Elle se dit fière d'avoir fait l'entraînement, mais triste d'y avoir été poussée par des raisons financières. Elle réalise maintenant qu'elle pourrait être envoyée à tout moment en Afghanistan. L'angoisse.

«Si mon unité est sélectionnée pour partir, je vais être déployée pour 12 ou 18 mois, dit-elle avec des trémolos dans la voix. Ça va vraiment faire foirer mes plans, d'être coincée dans le désert pendant tout ce temps.»

La native de Philadelphie continue d'ici là à chercher un job, dans divers domaines. Ne serait-ce que pour payer son loyer de 1300$, déjà en retard de deux mois.

Malgré tout, Kathryn Dasch croit encore fermement dans le capitalisme à l'américaine. Son ancien salaire d'environ 100 000$, qui lui permettait de mener un bon train de vie, lui manque.

«Quand j'étais couchée en boule le soir, pendant mon entraînement militaire, tout ce que je me disais, c'est que j'aurais dû être à Manhattan à ce moment-là, en train de boire des cocktails à 15$ et de fumer des cigarettes», lance-t-elle.

Elle essaie de demeurer optimiste, mais avoue que la dernière année l'a passablement démoralisée. «Ça affecte vraiment mon ego. C'est comme si mes compétences professionnelles étaient ramenées à zéro.»