Éric contre Lola, BCE en Cour suprême, BCE contre Teachers'... Toutes ces causes juridiques ont un dénominateur commun: Pierre Bienvenu, l'avocat vers qui tout converge.

Au tennis, Pierre Bienvenu, 51 ans, l'avoue d'emblée, il a bien plus d'ambition que de talent. Ce n'est donc pas pour frapper des balles avec Serena Williams que cet avocat s'est envolé la semaine dernière pour Dubaï, où se déroulait au même moment un tournoi réunissant les meilleures raquettes féminines du monde.

 

Non, si l'associé chef de la direction d'Ogilvy Renault se trouvait dans cette ville de la démesure c'était plutôt pour y présider la 12e Journée de l'arbitrage international, événement de l'International Bar Association qui réunit chaque année les meilleurs arbitres juridiques au monde.

Pour Pierre Bienvenu, il ne l'a pas dit, mais on peut aisément le supposer, cette petite escapade dans le golfe Persique ne pouvait tomber à un meilleur moment, ne serait-ce que pour lui permettre de souffler un peu. Car à Montréal, c'est le moins qu'on puisse dire, ses dernières semaines passées sous les projecteurs ont été plutôt intenses. Normal, c'est lui le procureur du fameux Éric, ce milliardaire montréalais poursuivi par son ex-conjointe de fait Lola, qui lui réclame 50 millions de dollars. Cette saga a fasciné tout le Québec en janvier.

Que l'avocat d'Éric accepte d'accorder une entrevue quelques semaines après la fin d'un procès aussi médiatisé - dont l'on ne connaît pas encore le verdict - c'est déjà une grosse histoire. Mais c'est le genre de trucs qu'on retrouve habituellement dans la rubrique générale d'un journal, pas dans la section affaires. Alors pourquoi ici? C'est que, justement, Pierre Bienvenu n'est pas un avocat en droit familial, mais un spécialiste en arbitrage international et un pro du litige commercial. Hormis ce cas-ci, donc, du droit matrimonial, il n'en a jamais fait de toute sa carrière.

«Et lorsque cette cause sera terminée, je n'en ferai probablement plus jamais!» dit-il, alors qu'il reçoit La Presse dans une salle de conférence d'Ogilvy Renault, au centre-ville de Montréal.

Les causes qui retiennent l'attention des médias, en revanche, ça, Pierre Bienvenu en a l'habitude. C'est lui, par exemple, que le gouvernement fédéral a choisi, en 1998, pour le représenter lors du renvoi sur la sécession du Québec devant la Cour suprême du Canada. Au printemps dernier, quand BCE a perdu en Cour d'appel du Québec contre ses détenteurs d'obligations ses dirigeants l'ont immédiatement amené en renfort à l'équipe de juristes afin de préparer la prochaine bataille, en Cour suprême cette fois, bataille que BCE a remportée. BCE, vient aussi de lui demander de mener la poursuite contre Teachers' afin de réclamer 1,2 milliard de dollars pour rupture de contrat.

«Pierre Bienvenu possède cette habilité d'absorber rapidement des enjeux juridiques complexes», dit la vice-présidente et chef du service juridique de BCE, Martine Turcotte. Elle soutient que c'est pour ça que BCE lui a demandé son aide en Cour suprême, mais aussi pour sa capacité de garder son calme durant des situations intenses et parce qu'il s'intègre facilement aux équipes d'avocats déjà en place, qualité non négligeable dans un univers où les ego de certains atteignent parfois des sommets stratosphériques. «Pierre, lui, est capable de s'oublier pour le bien de la cause», dit-elle.

Un Roger Federer qui joue au hockey

Il n'empêche qu'à l'ère de la spécialisation juridique, retrouver le même avocat dans la cause Éric contre Lola et dans celle de BCE contre ses détenteurs d'obligations a de quoi surprendre. Sur le plan du droit, ces deux causes requièrent des connaissances et une expertise qui, à première vue, paraissent bien différentes. Pour faire une analogie avec le sport, c'est comme si, tout juste après avoir gagné Wimbledon, au tennis, on demandait à Roger Federer de chausser des patins pour aller marquer, au hockey, le but vainqueur en finale de la coupe Stanley!

Pierre Bienvenu lui, n'y voit pourtant pas de différences si marquées. En fait, il a un mot pour expliquer tout ça: convergence. Oh, pas dans le sens de la convergence des médias, mais dans celui des pratiques procédurales, qui divergent selon les arènes juridiques, mais dont les différences se sont aplanies au cours des 20-25 dernières années. Dit autrement, même si les enjeux et les notions de droit diffèrent de beaucoup d'une cause à l'autre, les façons de faire et de procéder ne sont pas si dissemblables que ça. Elles «convergent» l'une vers l'autre.

«Cela permet, explique-t-il, d'emprunter des façons de faire en arbitrage international et de les utiliser, par exemple, dans un tribunal traditionnel.»

La convergence n'explique toutefois pas pourquoi toutes ces causes aussi médiatisées ont, justement, convergé, vers lui. Une façon plus simple de voir les choses serait de dire qu'il est devenu l'avocat qu'on va chercher quand on a besoin de ce petit coup de pouce supplémentaire. Une valeur ajoutée, pour reprendre un terme à la mode.

Car autant dans la cause Éric c. Lola que celle de BCE en Cour suprême, Pierre Bienvenu n'a jamais été l'avocat principal, mais celui qui s'est ajouté en cours de route en appui aux avocats principaux. Dans le premier cas, c'est pour son expertise en droit constitutionnel qu'on lui a demandé son aide, puisque l'ex-conjointe de son client conteste la validité constitutionnelle de la loi, alors que c'est pour son expérience de la Cour suprême et son sens stratégique en litige qu'on l'a requis dans le second.

Pierre Bienvenu, lui, affirme que les deux causes représentaient des défis différents, mais dont les questions juridiques étaient fascinantes. «Des questions de droit pur, dit-il, pour moi, c'est le Nirvana.»

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