Les turbulences qui secouent l'aviation d'affaires ont fini par rattraper Bombardier (T.BBD.B). L'avionneur devra réduire la cadence de production de ses biréacteurs Learjet et Challenger et mettre à pied 1360 travailleurs à Montréal, Wichita et Belfast.

C'est Montréal qui sera le plus touché, avec 710 mises à pied. Ce sont 500 travailleurs temporaires et 210 employés permanents qui perdront leur emploi.

 

La nouvelle n'a pas surpris le syndicat, qui s'attendait à une vague de mises à pied en raison du contexte économique difficile. Le président de la section locale 712 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, Yvon Paiement, s'est montré optimiste en notant que les mises à pied s'échelonneront sur une période de cinq mois.

«Plus on étire le temps, plus on a des chances de garder les employés en usine parce qu'on peut espérer obtenir des contrats à gauche ou à droite», a-t-il déclaré à La Presse Affaires.

À Bruxelles, le premier ministre Jean Charest a dit espérer que les mises à pied soient le plus temporaire possible.

«Il ne faut pas baisser les bras, il faut aider les travailleurs, a-t-il déclaré. Il faut profiter des périodes d'arrêt de travail pour faire de la formation.»

Bombardier a fait valoir qu'elle devra recruter 730 nouveaux employés dans la région de Montréal pour le développement de deux nouveaux programmes, la CSeries et le Learjet 85, et pour son Centre de finition des appareils Global. Toutefois, il est peu probable que les travailleurs mis à pied soient en mesure de profiter de ces ouvertures: il s'agit surtout d'employés sur la ligne d'assemblage alors que Bombardier aura essentiellement besoin d'ingénieurs pour la CSeries et le Learjet 85 et d'ébénistes et de rembourreurs pour le centre de finition.

M. Paiement a toutefois soulevé l'idée de programmes de formation pour aider les employés mis à pied à se replacer.

Les appareils de la famille Global sont les plus gros biréacteurs d'affaires fabriqués par Bombardier. Le ralentissement économique touche davantage les plus petits appareils, comme les Learjet, assemblés à Wichita, et les Challenger, assemblés à Montréal.

Comme les concurrents

Le même phénomène touche les concurrents de Bombardier. C'est ainsi que les manufacturiers qui se concentrent du côté des appareils de plus petite taille, comme Cessna et Hawker Beechcraft, ont dû procéder respectivement à 4600 et 2800 mises à pied.

Bombardier a tardé avant d'annoncer ses propres compressions parce que son exercice financier se terminait le 31 janvier, soit un mois après les exercices de ses concurrents.

Le ralentissement économique a commencé à se refléter sur livraisons et les commandes pendant l'exercice 2008-2009. Bombardier a livré 353 appareils, soit légèrement moins que les 361 livraisons effectuées l'exercice précédent. Ces chiffres comprennent les avions d'affaires, les avions commerciaux et les avions amphibies.

La différence se constate plutôt du côté des commandes: seulement 378 commandes nettes pour l'exercice 2008-2009 comparativement à 698 commandes nettes pour l'exercice précédent.

Quant aux avions d'affaires, Bombardier a dû faire face à de nombreuses annulations, qui ont représenté un peu moins de 10% du carnet de commandes, selon le porte-parole de Bombardier Aéronautique, Marc Duchesne.

En 2009-2010, Bombardier s'attend à livrer un peu moins d'appareils qu'au cours de l'exercice précédent. En fait, l'avionneur prévoit livrer environ 10% de moins d'avions d'affaires et environ 10% de plus d'avions commerciaux.

Regain du Q400

Bombardier augmentera notamment les livraisons du Q400, un turbopropulseur qui connaît un regain de popularité. L'entreprise entend augmenter la cadence de production de cet appareil à son usine de Havilland de Toronto, mais compte tenu de l'abandon des modèles Q200 et Q300, elle ne devrait pas procéder à de nouvelles embauches.

Bombardier maintiendra la cadence de production des biréacteurs régionaux CRJ700 et CRJ900, assemblés à Mirabel.

Un analyste de la firme Versant Partners, Cameron Doerksen, a toutefois soutenu que Bombardier faisait preuve d'optimisme en prévoyant une baisse de 10% des livraisons d'avions d'affaires en 2009-2010.

«Cela reviendrait à la livraison de 215 appareils, écrit-il dans un rapport de recherche. Nous croyons que c'est une cible beaucoup trop optimiste et nous continuons à croire que nous ne verrons que 200 appareils livrés en 2009-2010.»

L'analyste croit également que les prévisions de Bombardier pour les avions régionaux sont trop optimistes, notamment en ce qui concerne le biréacteur CRJ.

L'action de Bombardier a perdu près de 4,6% de sa valeur hier pour clôturer à 3,55$ à la Bourse de Toronto.