Stéphanie Poulin et son équipe d'avocates se sont donné une mission : défendre les consommateurs contre les méchantes entreprises qui poussent parfois un peu trop.

Avis aux patrons. Si vous misiez sur la consommation pour relancer votre entreprise en période de crise économique, ne comptez pas trop sur la contribution de Stéphanie Poulin. Car côté dépenses personnelles, cette jeune Montréalaise de 37 ans est plutôt du type «modéré». Pas d'auto, pas de cellulaire, pas de câble, elle paie le solde de sa carte de crédit au complet tous les mois... Le genre de consommatrice qui donne des maux de tête aux cracks du marketing.

 

Il faut dire qu'en matière de consommation, Stéphanie Poulin s'y connaît un peu. Depuis 2001, elle est avocate chez Option consommateurs. Cet organisme à but non lucratif est voué à la défense des intérêts des consommateurs, qui sont encore trop nombreux à être victimes des abus des entreprises malveillantes.

L'an dernier, Stéphanie Poulin en est devenue la responsable du service juridique.

Ces jours-ci, elle est particulièrement de bonne humeur. Son organisme a annoncé lundi avoir conclu un règlement à l'amiable avec la société Maple Leaf, qui pourrait devoir verser au moins 25 millions de dollars. L'entente découle des divers recours collectifs déposés l'été dernier à la suite de l'éclosion de cas de listériose qui a mené au rappel de certains produits alimentaires fabriqués par Maple Leaf entre le 1er janvier et le 31 août 2008.

«C'est le genre de dossier qui, normalement, dure des années», dit Me Poulin, heureuse du dénouement. Elle explique que les avocats des grandes entreprises utilisent d'habitude tous les trucs pour allonger les délais. Cette fois-ci, la volonté des dirigeants de Maple Leaf de régler rapidement a fait la différence.

Stéphanie Poulin reçoit La Presse dans un petit espace qui lui sert de bureau. On est loin du luxe des grands cabinets du centre-ville. Et, à vrai dire, elle s'en moque un peu, car elle n'a jamais rêvé de pratiquer dans une grande firme.

Si elle est devenue avocate, c'est parce que plus jeune, «elle voulait comprendre la société dans laquelle elle vivait». Et si elle a choisi de bosser pour Option Consommateurs à un salaire deux fois moins élevé que ce que touche un avocat de première année dans certains bureaux, c'est parce qu'elle a toujours été sensible aux déséquilibres entre les parties - consommateurs et entreprises. Ado, dit-elle, elle pouvait passer des heures devant la télé à écouter des émissions comme JE et La facture.

Épidémie de recours collectifs

En ce moment, Option consommateurs gère une vingtaine de recours collectifs toujours actifs. Contre des fabricants de médicaments, des entreprises de télécommunication, des prêteurs hypothécaires et surtout des émetteurs de cartes de crédit qui font face à six recours collectifs. Dans le bureau de l'avocate, impossible de manquer les noms des entreprises accusées: ils sont inscrits en gros caractères noirs sur des étiquettes blanches collées au tiroir d'un gros classeur en métal.

Pour gérer tout cela, Stéphanie Poulin compte sur une équipe de trois avocates - elle comprise. Ce trio de juristes a la responsabilité de recevoir, d'analyser et de gérer les plaintes des consommateurs. La simple gestion des appels téléphoniques est déjà quelque chose. Certaines années, l'organisme peut en recevoir jusqu'à 3000!

Les appels sont d'abord filtrés par la réceptionniste, qui, selon son jugement, les transfère ou non à l'une des avocates. Le matin de notre rencontre, Stéphanie Poulin avait reçu un appel d'une personne qui voulait savoir si son ami pouvait annuler un contrat de vente itinérante pour l'achat d'un aspirateur et d'un purificateur d'air. Montant de la facture: 5000$. Revenu annuel du client: 15 000$.

«Je vais recevoir le contrat et l'analyser», dit Stéphanie Poulin. Elle souligne que bien des gens croient encore que le délai d'annulation pour ce type de contrat est de 10 jours. Or, dit-elle, dans certaines situations, il peut s'étendre jusqu'à 12 mois.

Des abus de ce genre, les avocates d'Option consommateurs en voient tous les jours. Rarement cela aboutit à une poursuite. Lorsque c'est le cas, l'organisme prend alors le rôle de représentant du plaignant devant la justice. C'est ce qui est arrivé dans le dossier de Maple Leaf.

Le 27 août 2008, quelques jours seulement après que les rappels de produits de Maple Leaf eurent été étalés dans les médias, un recours collectif avait été déposé en Cour supérieure. Les avocates d'Option consommateurs avaient eu le temps d'analyser la plainte d'une consommatrice et de mandater le cabinet Sylvestre Fafard Painchaud - spécialisé en recours collectifs.

Le rôle des avocates d'Option consommateurs ne se limite pas aux poursuites. Elles analysent des projets de loi, préparent des mémoires, participent aux commissions parlementaires et, surtout, donnent beaucoup d'entrevues aux médias. Lundi, lorsque le règlement avec Maple Leaf a été annoncé, Stéphanie Poulin a donné au moins une dizaine d'entrevues.

Depuis quelque temps, elles participent aussi à des projets de recherche. L'un des programmes, financé par Industrie Canada, concerne l'analyse des pratiques commerciales des émetteurs de cartes de crédit. «On compare ces pratiques avec ce qui se fait ailleurs dans le monde», explique Stéphanie Poulin.

Par exemple, on a remarqué que certains émetteurs avaient décidé au fil du temps de réduire de 8 à 2% les paiements minimums exigés tous les mois. Ou encore, que certains avaient proposé à leurs clients des congés de paiements pour quelques mois... sans leur dire clairement qu'ils devraient en assumer les intérêts.

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