L'humeur est restée sombre à Davos, où le Forum économique mondial (WEF) s'est achevé dimanche sans offrir de réelles perspectives. Après cinq jours de conférences et de réunions, les décideurs politiques et économiques, englués dans l'indécision et l'incertitude, n'ont pas apporté de solutions nouvelles pour faire face à la crise.

«Tout le monde est perdu à Davos», observait Kishore Mahbubani, doyen de l'école d'administration Lee Kuan à Singapour, résumant le désarroi ambiant. «Personne ne semble prendre la mesure de cette crise et ce qu'il faut faire pour en sortir», a-t-il confié à l'Associated Press, plaidant pour une remise à plat complète du système financier international, que peu étaient prêts à suggérer dans le cadre surprotégé de la station alpine suisse.L'impression d'une tâche immense à accomplir était la plus partagée dans les allées de ce rendez-vous des élites, au faste revu à la baisse cette année pour cause de crise. Dans ce contexte, beaucoup plaçaient leurs espoirs dans le G-20 prévu en avril à Londres, voyant dans cette réunion des grandes puissances et des économies émergentes la première étape vers une réforme du système financier à l'échelle mondiale.

«Le travail le plus dur commence maintenant», a estimé Klaus Schwab, fondateur et président du WEF, favorable à une refonte du système bancaire, mais aussi de la régulation financière et de la gouvernance d'entreprise.

Conscient que le G-20 ne permettrait pas de résoudre tous les problèmes, M. Schwab a annoncé que le forum lancerait dans quelques semaines une «Initiative de réforme mondiale», soutenue selon lui par la plupart des dirigeants venus assister à cette 39e édition du Forum, du premier ministre chinois Wen Jiabao au secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.

Sobriété oblige, les Sharon Stone, Angelina Jolie et autres célébrités du show business, présentes lors des dernières éditions du forum, n'ont pas été invitées cette année. Pas même Bono, le chanteur humaniste, interlocuteur habituel des grands de ce monde. Les projecteurs étaient cette fois braqués sur les chefs d'Etat et de gouvernement, notamment les Premiers ministres russe Vladimir Poutine et britannique Gordon Brown et la chancelière allemande Angela Merkel, qui tous ont condamné le recours au protectionnisme.

Le plus attendu d'entre tous, le nouveau président américain Barack Obama, n'était pas là. Mais beaucoup avait leur avis sur la façon dont il devrait agir dans un grand nombre de dossiers allant de la crise financière au processus de paix au Proche-Orient, sans oublier l'Irak, l'Afghanistan et le Pakistan.

Fait marquant de ce forum, qui en aura manqué, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a quitté Davos sur un coup de sang après un accrochage verbal avec le président israélien Shimon Pérès, qui justifiait la récente opération de Tsahal dans la bande de Gaza. L'incident a contribué à faire du chef du gouvernement turc un héros dans le monde arabe.

Dans un style nettement moins théâtral, des leaders politiques et économiques ont imputé aux Etats-Unis la crise financière qui se transforme aujourd'hui en récession mondiale. La volonté manifestée par Washington de protéger les sidérurgistes américains a confirmé la crainte de nouvelles barrières douanières, au détriment du commerce mondial.

«Davos incarne le débat à l'échelle de la planète», a résumé Stephen Roach, président pour l'Asie de la banque d'investissement Morgan Stanley, l'un des rares à avoir averti des dangers que faisait courir à l'économie mondiale la crise américaine des crédits hypothécaires à risque. «Nous entrons à présent dans la phase la plus détestable de toute crise, celle des accusations.»

C'est sur cette note pessimiste que le forum de Davos a refermé ses portes, en même temps que son antithèse, le Forum social mondial organisé à Bélem, au Brésil. La veille des affrontements avaient opposé à Genève des policiers et des manifestants altermondialistes qui entendaient protester contre le WEF malgré l'interdiction des autorités.