Pénalisées par les actuels véhicules d'épargne, les personnes à revenus modiques bénéficieront tout particulièrement du nouveau Compte d'épargne libre d'impôt (CELI). À condition que les provinces se retiennent d'ajouter à leurs différents programmes sociaux des contraintes dissuadant l'usage du CELI, comme c'est le cas avec le REER.

Mieux encore, les 10 provinces devraient offrir une subvention équivalant à la somme épargnée dans un CELI par les individus, comme elles le font avec les régimes enregistrés d'épargne-étude (REEE) et d'épargne invalidité (REEI), estiment les chercheurs John Stapleton et Richard Shillington dans une étude menée pour le compte de l'Institut C.D. Howe. «Non seulement les différents programmes gouvernementaux ont-ils par le passé découragé l'épargne personnelle pour les Canadiens à revenu modique, ils l'ont bien souvent rendu carrément impossible», affirme le document.

Les programmes d'assistance sociale disposent généralement de restrictions sévères quant à l'acquisition d'actifs et de revenus par les bénéficiaires. Avoir un peu d'argent dans un compte d'épargne - aussi peu que 560$ en Ontario - peut ainsi faire perdre à un parent célibataire son admissibilité à certains programmes. Les Québécois ne peuvent avoir plus de 60 000$ d'épargne dans un REER s'ils souhaitent conserver leur soutien gouvernemental.

Un autre exemple, beaucoup plus commun: les sommes retirées d'un REER sont considérées comme des revenus. «Ainsi, une personne âgée ayant retiré un trop grand montant d'un REER pour répondre à une urgence peut perdre son Supplément de revenu garanti», explique Barbara Amsden, directrice stratégie et recherche à l'Institut des fonds d'investissement du Canada. Le Supplément assure un revenu additionnel aux personnes âgées à faible revenu et s'ajoute à la pension de la Sécurité de la vieillesse.

«Autrement dit, les gens doivent choisir entre épargner un peu d'argent ou recevoir celui du gouvernement. Ils ne peuvent avoir l'un et l'autre. Cela les empêche d'améliorer leur sort», regrette Richard Shillington.

Un cercle vicieux que pourrait venir résoudre le CELI, «tout dépend de la réponse des provinces».

Lors de l'entrée en vigueur du CELI, le 2 janvier dernier, le ministre des Finances Jim Flaherty précisait que «ni le revenu gagné dans un CELI ni les montants qui en sont retirés ne toucheraient l'admissibilité aux prestations fédérales et aux crédits fédéraux fondés sur le revenu, tels que les prestations de la Sécurité de la vieillesse, le Supplément de revenu garanti et la Prestation fiscale canadienne pour enfants».

Les chercheurs souhaitent que les provinces fassent de même, et aillent encore plus loin, en suggérant qu'elles accordent des cotisations égales à celles des individus.

«Il y a depuis quelques années une tendance qui vise à créer des outils pour encourager l'épargne, dit M. Shillington. Avec les REER et les REEE, on encourage l'épargne chez les Canadiens à revenus moyens et élevés. Nous devons faire de même avec les Canadiens à revenu faibles.»

Jusqu'à maintenant, aucune province n'a choisi de cotiser au CELI, comme elles le font pour le REEE et le REEI. «Mais ces choses prennent du temps. Deux ans se sont écoulés entre l'apparition des REEI et la modification des règles provinciales», note M. Shillington.

Le Québec favorable au CELI

Le gouvernement du Québec semble décidé à favoriser l'usage du CELI. Lors du dépôt du dernier budget provincial, la ministre des Finances Monique Jérôme-Forget avait souligné que Québec harmoniserait ses règles avec celle du gouvernement fédéral en ce qui concerne le CELI.

«Les Québécois pourront ainsi faire fructifier leurs épargnes à l'abri de l'impôt», avait alors déclaré la ministre.

Cette mesure amènera un manque à gagner de 1 million de dollars pour 2008-2009 qui augmentera progressivement jusqu'à atteindre 35 millions en 2012, estime-t-on au ministère des Finances.

«Essentiellement, tout le monde, peu importe leur revenu, peut bénéficier du CELI. Et dans le cas d'une personne à faible revenu, mettre de l'argent de côté dans un CELI est presque toujours la meilleure chose à faire d'un point de vue fiscal, car il n'y a, à l'heure actuelle, aucune contrainte ou élément dissuasif», souligne Susan Christoffersen, professeure de gestion à l'Université McGill.