Les difficultés financières des constructeurs automobiles américains pourraient rapporter des centaines de millions de dollars aux avocats. Mais qui empochera le jackpot?

Que le gouvernement américain allonge ou non les milliards de dollars pour sauver son industrie automobile, vous pouvez parier votre vieille Chevrolet ou votre Honda de l'année que les dirigeants de GM, Ford et Chrysler discutent déjà avec des avocats-spécialistes en insolvabilité.

 

Les constructeurs préfèrent de loin un sauvetage, mais, à ce stade-ci, ils explorent toutes les avenues, même s'ils affirment à qui mieux mieux que la faillite n'est pas une option.

On n'est jamais à l'abri d'un imprévu de dernière minute.

Au point où ils en sont, et cela est vrai pour n'importe quelle entreprise insolvable, les géants de la voiture veulent à tout prix être conseillés par les meilleurs du domaine si jamais la situation se détériorait et qu'ils seraient forcés de recourir au fameux Chapter 11, l'équivalent aux États-Unis de notre Loi sur les arrangements avec les créanciers.

Ils ne veulent surtout pas se retrouver dans une situation où ils devraient batailler ferme juste pour s'assurer des services des meilleurs avocats en insolvabilité et restructuration. Compte tenu de la taille de cette restructuration -qu'on qualifie déjà comme la plus importante de l'histoire des États-Unis-, de l'importance de l'industrie automobile, et des enjeux transfrontaliers, il faudra probablement des semaines pour préparer la documentation et déposer le dossier en cour. Or, banquiers, créanciers et syndicats auront déjà cogné à la porte des plus grands cabinets depuis belle lurette.

La course contre la montre pour embaucher les juristes les plus qualifiés a donc bel et bien commencé, mais il s'agit d'un sprint à double sens car les cabinets sont eux aussi engagés dans une lutte sans merci pour accaparer la plus grosse part du gâteau.

Plus tôt cette semaine, la presse juridique américaine spéculait déjà sur les noms des cabinets qui avaient les meilleures chances d'obtenir les plus gros mandats. On parle ici de sommes astronomiques pour les avocats. Un exemple: le mois dernier, Bloomberg, qui citait un prof de droit de Harvard, révélait que la faillite de Lehman Brothers pourrait coûter 1,4 milliard US en frais d'avocats, de comptables et autres professionnels, et que le cabinet new-yorkais Weil, Gotshal&Manges (WGM) empocherait à lui seul en honoraires un pactole de 209 millions US!

Hasard ou simple coïncidence, c'est encore ce cabinet qui vient en tête de liste pour prendre la plus grosse bouchée juridique, surtout si c'est GM qui tombe, le constructeur étant un client de longue date de WGM.

Au Canada, c'est...

Mais oublions les Américains et questionnons-nous sur quels cabinets obtiendraient les plus gros mandats au Canada. D'abord, une parenthèse. Une restructuration d'une telle envergure donnerait du boulot à presque tous les cabinets ayant la moindre petite équipe compétente en restructuration. C'est arrivé en 2003, avec la restructuration d'Air Canada, et tout récemment avec celle du papier commercial, où plus de 200 avocats ont boulonné sur le dossier!

C'est l'ampleur de la tâche et surtout le nombre d'intervenants qui expliquent pourquoi il faudrait tant de juristes. Pour représenter les entreprises débitrices, les institutions financières, les créanciers ordinaires, le contrôleur, les gouvernements, sans oublier les syndicats, qui, dans un dossier comme celui-là, auraient sans doute beaucoup d'acquis à défendre.

Peu de cabinets ont toutefois les ressources et les compétences pour représenter GM, Ford ou Chrysler. Car il faut maîtriser l'art des restructurations transfrontalières. Les constructeurs automobiles sont des pieuvres avec des tentacules un peu partout, aux États-Unis, au Canada, au Mexique, etc. À ce chapitre, les experts s'entendent, seuls les cabinets pancanadiens avec de l'expertise outre frontière peuvent raisonnablement aspirer à représenter l'un ou l'autre des constructeurs. Mais qui?

Trois noms ressortent du lot, et peut-être un quatrième si on lit entre les lignes. Mardi, dans la presse américaine, on révélait qu'Osler Hoskin&Harcourt, de même que Blake, Cassels&Graydon étaient les candidats les plus susceptibles de représenter GM et Ford respectivement.

GM est un client de longue date d'Osler de même que Ford chez Blakes. Pour Chrysler, c'est un peu plus mystérieux car ce constructeur a pris l'habitude par le passé d'éparpiller ses mandats à plusieurs firmes. Une rumeur insistante veut qu'il s'agisse de Stikeman Elliott, ce qui ne surprendrait personne. Après tout, en 2003, c'est Stikeman qui s'est occupé de la restructuration d'Air Canada.

Un autre cabinet pourrait toutefois brouiller les cartes: McCarthy Tétrault. Cette semaine, la firme n'a pas voulu commenter sur le sujet, indiquant simplement «être trop proche du dossier pour parler». En fait, ni Osler, ni Blakes, ni Stikeman n'ont souhaité en discuter avec La Presse.

Chose certaine, il est encore un peu tôt pour déterminer qui obtiendra tel mandat. Les cabinets sont présentement en train de se positionner et surtout d'évaluer les conflits d'intérêts potentiels selon le mandat qu'ils acceptent. Il sera en effet difficile de représenter GM si un de ses importants fournisseurs est à la fois un des plus gros créanciers et un bon client du cabinet...

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