La Chambre commerciale est devenue l'arène juridique par excellence où s'affrontent les procureurs d'entreprise. Il n'en a pas toujours été ainsi.

Pour une bonne cause, l'avocat Gerry Apostolatos est toujours prêt à relever un défi. Cette année, pour appuyer la Fondation des maladies du coeur du Québec, il n'a donc pas hésité à se soumettre des mois durant à un entraînement rigoureux dans le but de grimper, à la fin de juillet, le Kilimandjaro. Mission accomplie, malgré une infection pulmonaire...

 

«Une expérience éprouvante, mais extraordinaire», admet cet associé de 43 ans, qui pratique le litige commercial au bureau de Montréal de Langlois Kronström Desjardins.

Gerry Apostolatos a aussi accepté de relever un tout autre type de défi, moins éprouvant physiquement mais pour une cause qui lui tient tout autant à coeur: l'efficacité de la justice. Depuis l'an dernier, il préside en effet le comité de liaison du Barreau de Montréal avec la Chambre commerciale.

Peu connue du grand public, la Chambre commerciale est une division de la Cour supérieure du Québec mise sur pied en 2000, en remplacement de la division des faillites. C'est là qu'on y traite juridiquement -en première instance- tous les dossiers en matière commerciale: faillites, réorganisations d'entreprise, arrangements avec les créanciers, liquidations, conflits entre actionnaires, etc. C'est, en quelque sorte, l'arène juridique où s'affrontent les procureurs des entreprises québécoises.

Le plan d'arrangement de BCE ainsi que le conflit qui a opposé la société à ses détenteurs d'obligations ont été traités par un juge de la Chambre commerciale. Même chose lorsque TQS ou Quebecor World se sont placées sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers. Les affaires Norbourg et Mount Real ont aussi été chapeautées par un juge de la Chambre commerciale.

On le sait peu, mais il n'en a pas toujours été ainsi au Québec. Jusqu'à tout récemment, bien des entreprises préféraient choisir les cours ontariennes, estimant les juges de Toronto plus compétents que ceux de Montréal pour traiter d'affaires commerciales. En 2003, par exemple, pour sa restructuration, Air Canada a préféré opter pour la Commercial List, l'équivalent ontarien de la Chambre commerciale. Même si son siège social était à Montréal, Air Canada pouvait le faire en raison de ses activités pancanadiennes.

«On avait pourtant toute la compétence pour traiter ce dossier de A à Z au Québec», dit Gerry Apostolatos, qui admet avoir été très déçu qu'une si grosse affaire soit traitée à Toronto.

Pour les avocats en droit des affaires, la mise sur pied de la Chambre commerciale est une bénédiction. Car il y a des retombées économiques selon le lieu de l'arène juridique. Un gros dossier comme BCE, par exemple, a nourri plusieurs dizaines d'avocats montréalais pendant des mois. S'il avait été traité en Ontario, ce sont les avocats de Toronto qui en auraient davantage profité.

Un dossier, un juge

Le comité de liaison que préside Gerry Apostolatos compte 19 membres -des avocats et trois juges- et est chargé d'examiner le fonctionnement de la Chambre commerciale et de l'améliorer. Un des aspects les plus significatifs de la Chambre a certainement été la mise en place du principe de «Un dossier, un juge». Auparavant, un dossier pouvait passer d'un juge à l'autre, alors qu'aujourd'hui, le même juge est saisi de toutes les requêtes.

«Ça évite de réexpliquer chaque fois le dossier au nouveau juge», souligne le juge Paul Chaput, de la Cour supérieure, un des artisans, en 2000, de la Chambre commerciale. Les affaires sont donc traitées plus rapidement car les juges connaissent leurs dossiers à fond.

Tout le dossier BCE a ainsi été chapeauté -en première instance- par le juge Joel Silcoff, incluant le litige opposant la société à ses détenteurs d'obligations.

Les juges de la Chambre commerciale sont aussi plus expérimentés que par le passé en matière d'affaires commerciales. Une douzaine de magistrats sont assignés à la Chambre et certains ne font que ça. Mieux, ils reçoivent de la formation spécifique en droit de la faillite, liquidation d'entreprise, restructurations, etc.

«C'est vrai, il y a eu beaucoup de progrès, les juges sont plus expérimentés qu'avant», dit Maryse Bertrand, avant de préciser: «En première instance.» Associée chez Davies Ward Phillips&Vineberg, Maryse Bertrand estime qu'il reste cependant du travail à faire au niveau de la Cour d'appel du Québec. Elle explique que très peu de causes commerciales se rendent en Cour suprême, ce qui implique que le tribunal de dernière instance est souvent la Cour d'appel.

Or, à cet égard, il est vrai, contrairement à la Cour d'appel de l'Ontario, la Cour d'appel du Québec n'a pas un bilan à tout casser. Le Globe and Mail soulignait un peu plus tôt cette année que la très grande majorité de ses décisions en matière commerciale avait été renversée par la Cour suprême, la plus récente était bien sur la cause de BCE, où il n'a fallu que trois jours au plus haut tribunal au pays pour rejeter sa décision.

À choisir, certaines entreprises optent donc encore pour l'Ontario, qui propose deux arènes juridiques performantes en droit commercial plutôt qu'une.

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