De 73¢ le litre à l'été 2003, l'essence est passée à 1,08$ l'an dernier et a déjà atteint 1,40$ le litre.

De 73¢ le litre à l'été 2003, l'essence est passée à 108¢ l'an dernier et a déjà atteint les 140¢ cette saison. Et il est tout à fait plausible que le prix atteigne 150¢ durant le prochain été.

Des chiffres qui frappent l'imagination du vacancier et qui le forcent à s'adapter, à revoir ses dépenses ou reconsidérer son choix de destination.

Dans ce contexte, nul doute que le prix élevé de l'essence trotte dans la tête des acteurs du monde touristique.

«Tout est sujet à inquiétude. Le tourisme est une industrie tellement fragile», dit le directeur général de Tourisme Mont-Tremblant, Alain Houde.

Sylvie Ménard, propriétaire de cinq chalets sur le bord du lac Ouareau, à un peu moins de 150 km au nord de Montréal, se demande bien si le prix de l'essence fait réfléchir un peu plus les Québécois.

«Habituellement, à ce moment de l'année, les chalets sont réservés à 100%. Là, j'ai seulement huit semaines sur 35 qui sont réservées. C'est le même phénomène partout dans mon coin.»

Mme Ménard cherche les causes de ce changement soudain. «Je crois que les gens sont à la dernière minute. Peut-être qu'ils attendent de voir le prix de l'essence pour savoir ce qu'ils vont faire. Je crois aussi que beaucoup de gens choisissent les États-Unis, avec le dollar élevé et l'essence moins chère.»

Mais s'il y a une chose qui est certaine, c'est que les Québécois ne resteront pas sur leur balcon, prix de l'essence élevé ou pas.

«Dans les faits, prendre des vacances est quelque chose de très précieux, explique Paul Arseneault, directeur du Réseau de veille en tourisme de la chaire de tourisme Transat à l'UQAM. Les gens ne se diront pas qu'ils ne prendront pas de vacances mais vont peut-être changer le type de déplacement ou la dépense parcourue.»

Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins, indique que les touristes vont faire de la substitution. En d'autres mots, ils vont chercher à compenser les prix élevés de l'essence.

«Pour des séjours courts, les gens vont traîner plus de nourriture, aller moins dans les restaurants, dit Mme Noreau. Il peuvent raccourcir leur séjour d'une nuit ou deux, acheter moins de souvenirs ou revoir leurs coûts d'hébergement.»

«Ça ne fera pas tomber l'industrie touristique, dit l'économiste. Mais les gens vont regarder leurs dépenses de plus près.»

Selon Paul Arseneault, le prix élevé de l'essence ne fera que rebrasser les touristes et leur choix de destination, avec des conséquences limitées. Si les gens de Montréal décident d'aller moins loin, c'est sans doute la même chose pour les gens ailleurs au Québec. De sorte qu'aucune destination n'est vraiment désertée.

«Dans les trois dernières années, il n'y a pas eu de catastrophe dans les régions à cause du prix de l'essence», note-t-il.

Le sort des r�©gions �©loign�©es

Reste que ce «rebrassage» pourrait se faire au détriment des régions plus éloignées de Montréal, la métropole étant le plus important bassin de touristes.

«On s'attend à ce que la Gaspésie soit touchée étant donné la grande distance que doivent parcourir les touristes des grands centres», dit Roxanne Héroux, agente de communication au CAA-Québec.

Le club automobile a d'ailleurs sondé ses membres il y a deux ans sur leur réaction au prix de l'essence. Il en est ressorti que les voyageurs roulaient moins vite et qu'ils réduisaient leur distance parcourue.

«La Gaspésie pourrait avoir certaines inquiétudes, d'autant plus que la classe moyenne représente leur principal type de voyageurs», indique Paul Arseneault.

Le directeur général de l'Association touristique régionale de la Gaspésie, Sylvain Tanguay, ne s'en fait pas pour autant.

«C'est clair que les acteurs touristiques s'inquiètent du prix de l'essence. Ça fait partie du portrait. Mais on croit bien que les gens ne se feront pas dicter par les pétrolières leurs deux ou trois semaines de vacances annuelles. Ceux qui veulent faire le tour de la Gaspésie, ce n'est pas le prix de l'essence qui leur fera changer d'idée.»

M. Tanguay tient pour preuve la croissance constante du nombre de visiteurs dans la région depuis 2004, malgré les sommets atteints par le prix du carburant lors de l'été 2005.

«Le fantôme des prix de l'essence apparaît chaque année, dit M. Tanguay. Mais l'impact attendu n'est jamais au rendez-vous.»