Plusieurs psychanalystes classiques expliquent l'homophobie par une homosexualité refoulée. Mais peu d'études ont tenté de confirmer cette théorie sur l'origine de la haine des gais. Deux d'entre elles, publiées en 1996 et en 2012, semblent confirmer l'intuition de Sigmund Freud.

« Il est très difficile de prouver expérimentalement que l'homophobie est un produit de la peur de sa propre homosexualité », explique Nicole Legate, psychologue de l'Institut de technologie de l'Illinois, qui était l'un des auteurs de l'étude de 2012, publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology. « La théorie classique veut que ce soit la société, ou les parents, qui inculquent la peur de l'homosexualité et poussent l'individu à la refouler, à la repousser avec agressivité. Il y a eu une étude très connue du milieu en 1996 qui a montré que la porno homosexuelle excite davantage les homophobes, mais l'excitation ne peut être une preuve définitive, même si elle est utile. »

Dans cette étude de 1996, publiée dans le Journal of Abnormal Psychology par trois psychologues de l'Université de Géorgie, dont deux sont morts depuis, 55 hommes, dont la moitié étaient homophobes, regardaient des vidéos pornos hétérosexuelles, puis lesbiennes, puis homosexuelles mâles. Il n'y avait pas de différence dans l'excitation par rapport aux vidéos lesbiennes ou hétérosexuelles, mais les vidéos homosexuelles mâles excitaient beaucoup plus les homophobes.

« HOMOPHOBIE INTÉRIORISÉE »

L'étude de Mme Legate testait auprès d'une centaine de personnes la théorie de l'« homophobie intériorisée » par l'entremise de quatre études sur l'estime de soi, le type de parents, l'identité sexuelle et l'homophobie. Grosso modo, les parents très contrôlants et conservateurs sur le plan des moeurs étaient plus susceptibles d'engendrer des homophobes et moins susceptibles d'avoir des enfants homosexuels.

Les homophobes homosexuels seront-ils moins nombreux maintenant que la société est plus ouverte à l'homosexualité, grâce notamment à la légalisation du mariage homosexuel ? « Normalement, ce devrait être le cas », dit Mme Legate, qui travaille maintenant sur un problème connexe, le sentiment d'anormalité qu'ont certains homosexuels affichés. « Mais il y a des communautés, des groupes sociaux ou ethniques, où l'homosexualité est rejetée et ostracisée. Le rôle des parents est crucial dans cette évolution. »

Au Groupe de recherche et d'intervention sociale (GRIS), une ONG visant à améliorer l'intégration des homosexuels et bisexuels, la directrice du bureau de Montréal, Marie Houzeau, estime que l'« homophobie intériorisée » est un concept démontré. « Ça ne veut pas dire que tous les homophobes sont homosexuels, dit Mme Houzeau. Mais il est certain que le poids de la honte, la difficulté à intégrer cette dimension de la personnalité et à la réconcilier avec ses autres valeurs peuvent générer de la violence envers soi-même ou les autres. »