Les chercheuses n'ont pas la place qui devrait leur revenir dans les magazines scientifiques, selon une nouvelle étude, dont les auteurs se demandent si les publications sont «systématiquement misogynes».

Une équipe de chercheurs a découvert qu'en Amérique du Nord, en Europe de l'Ouest et dans des pays très productifs en recherche, tous les articles ayant des femmes au sommet de la hiérarchie des auteurs sont moins cités que les articles ayant des hommes en position équivalente.

L'enquête vient confirmer ce que plusieurs études réalisées à plus petite échelle avaient démontré dans les 40 ou 50 dernières années, a fait remarquer l'un de ses auteurs, le chercheur Vincent Larivière, professeur en sciences de l'information à l'Université de Montréal.

«C'est une étude matraque qui arrive avec de très, très, très mauvaises nouvelles», a-t-il résumé en entrevue téléphonique.

«Le problème persiste malgré des efforts concertés pour le corriger, a-t-il déclaré. Et l'exclusion d'une moitié des cerveaux de la planète est un problème très sérieux.»

Peut-on pour autant parler de misogynie de la part des publications scientifiques? «Visiblement, oui», a laissé tomber le chercheur à l'autre bout du fil.

L'écart entre le nombre de signatures féminines et masculines est considérable. L'analyse de quelque 5,4 millions d'articles évalués par des pairs a permis de constater que parmi les premiers auteurs, on compte plus de deux fois plus d'hommes (70 pour cent) que de femmes (30 pour cent).

De plus, les recherches effectuées par les femmes ont, en général, moins d'impact scientifique.

«Dans chaque pays, les travaux des femmes sont moins cités. Pour mesurer l'impact des travaux scientifiques, on regarde s'ils sont cités dans d'autres travaux subséquents - et donc, ce qu'on remarque, c'est que les travaux des femmes ont moins d'impact», a expliqué M. Larivière.

La différence entre les disciplines traitées représente également un facteur explicatif de cette inégalité. La science militaire, le génie, les mathématiques, l'informatique et l'économie demeurent la chasse gardée des hommes. Les femmes, quant à elles, dominent les sciences infirmières, l'éducation et le travail social.

«Ce qui est intéressant, c'est que dans ces domaines-là, il y a beaucoup moins de différence entre l'impact des hommes et des femmes. Ça suggère que quand on atteint un certain taux de femmes dans une discipline donnée, les différences entre les deux sexes tendent à disparaître», a illustré le professeur Larivière.

À cela s'ajoute le fait que les femmes, sur qui pèsent souvent davantage de responsabilités familiales, sont moins mobiles et disposent d'un réseau de contacts moins élargi que les hommes.

Les conclusions illustrent par ailleurs que le fameux plafond de verre n'a pas encore été défoncé dans le domaine scientifique.

Car si les femmes sont plus nombreuses dans les programmes de baccalauréat et de maîtrise, elles cèdent le pas aux hommes au niveau du doctorat et sont nettement moins nombreuses à décrocher des postes de professeur, selon Vincent Larivière.

«Il y a des limites; les femmes se rendent à un certain niveau, et ensuite, elles bloquent», a-t-il exposé.

À l'échelle nationale, le Québec, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse s'approchent le plus de l'égalité des sexes, conclut également l'étude - la première à quantifier les disparités dans toutes les disciplines et à travers le monde.

En revanche, les pays du Moyen-Orient méritent le bonnet d'âne.

L'enquête réalisée par Vincent Larivière et des collègues de l'UQAM et de l'Université de l'Indiana - dont la signature principale est celle de la chercheuse Cassidy R. Sugimoto - a été publiée mercredi dans le magazine scientifique Nature.

Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs ont extrait les articles scientifiques publiés entre 2008 et 2012 de la base de données Web of Science, laquelle précise le nom et l'affiliation des auteurs.