Le sang de Louis XVI n'était pas le sien, et la tête d'Henri IV perd son titulaire: une étude basée sur l'ADN de Bourbons encore vivants vient casser les certitudes récemment établies sur l'origine de deux reliques.

«Ce n'est pas le sang de Louis XVI», a affirmé à l'AFP Jean-Jacques Cassiman, directeur du service de Génétique humaine de l'Université de Louvain (Belgique), qui a comparé la signature génétique de la relique - un mouchoir que la légende dit trempé dans le sang du roi guillotiné en 1793 - avec des prélèvements ADN réalisés sur trois descendants vivants de la Maison Bourbon.

Du coup la comparaison entre ce sang et la fameuse tête momifiée tombe.

Le corps du roi assassiné en 1610 avait disparu à la Révolution lors du saccage de la Basilique Saint-Denis, où reposaient les souverains français.

Retrouvée en 2008 après plusieurs siècles de pérégrinations, une tête avait été authentifiée en 2010 comme étant celle d'Henri IV par une équipe de spécialistes conduite par le légiste Philippe Charlier, spécialiste des énigmes historiques, sur la base de recoupements scientifiques et historiques, immédiatement contestés par l'historien Philippe Delorme.

Manquait la signature ADN, argument ultime pour départager les tenants de l'authenticité de la relique et ses détracteurs.

Fin décembre 2012, le Dr Charlier et Carles Lalueza-Fox, expert espagnol en paléogénétique, publiaient dans la revue Forensic Science International un profil génétique commun trouvé entre la tête momifiée et le sang séché du mouchoir.

Pour l'équipe franco-espagnole, la concordance génétique entre les deux reliques validait leur appartenance à deux rois de France séparés par sept générations.

Mais Philippe Delorme réfutait là encore cet argument, pointant des lacunes dans l'analyse.

Le même chromosome Y

L'historien signe avec les généticiens Jean-Jacques Cassiman et Ronny Decorte une nouvelle étude publiée mercredi dans la revue European Journal of Human Genetics.

Il s'agissait cette fois de comparer les profils génétiques publiés des deux reliques avec l'ADN de trois princes Bourbons ayant pour ancêtre commun Louis XIII, fils d'Henri IV : Sixte-Henri (né en 1940) et Axel (né en 1968) de Bourbon-Parme, issus de Louis XIV par son petit-fils Philippe V d'Espagne, ainsi que Jean Henri d'Orléans-Bragance (né en 1954), issu du frère cadet de Louis XIV, Philippe d'Orléans.

Pour que le résultat soit le plus significatif possible, «nous avons choisi les branches les plus éloignées», a souligné Philippe Delorme. L'historien préférait aussi «ne pas mettre en cause les prétendants au trône de France, ni le Comte de Paris, ni Louis de Bourbon», pour éviter «d'entrer dans ces affaires de combats dynastiques». Car Orléans de France et Bourbon d'Espagne se disputent encore aujourd'hui le titre de prétendants au trône.

Sixte-Henri de Bourbon-Parme est le chef de file de la branche traditionaliste du carlisme, mouvement politique légitimiste espagnol. Axel de Bourbon-Parme dirige un bar à vin près de Paris, et Jean-Henri d'Orléans-Bragance est un photographe et homme d'affaires dont la mère était une princesse égyptienne et le père un descendant de l'empereur Pierre II du Brésil.

«Sixte-Henri, Axel et Jean ont le même chromosome Y», transmis en ligne masculine, a révélé le Pr Cassiman. Un chromosome Y, qualifié par Philippe Delorme de «chromosome authentique des Bourbons», qui n'a pas été retrouvé dans les profils génétiques des deux reliques.

Une seconde comparaison portant cette fois sur l'ADN mitochondrial, transmis par la lignée féminine, a aussi montré qu'il n'était pas possible que l'ADN de la tête momifiée provienne d'Henri IV.

L'analyse du chromosome Y prouve en tout cas, malgré les rumeurs d'adultère, que les deux fils d'Anne d'Autriche, Louis XIV et son cadet, «sont du même père», a relevé Philippe Delorme.

Philippe Charlier a réfuté les conclusions de l'étude, soulignant dans un communiqué qu'indépendamment du profil génétique, «23 arguments morphologiques ont été apportés», permettant «une identification de la tête comme appartenant à Henri IV au-delà de tout doute raisonnable».