C'est une première canadienne. Et c'est Montréal qui a mis la main sur ce microscope doté d'un système de tomographie optique. «Cet appareil va nous aider à réussir plusieurs chirurgies complexes, dont la greffe de cornée», se réjouit le Dr Éric Fortin, ophtalmologiste à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et coordonnateur médical de son Centre universitaire d'ophtalmologie (CUO).

Selon les données fournies par Héma-Québec, plus de 750 cornées ont été distribuées au Québec au cours de la dernière année pour des greffes. Au CUO de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, l'an dernier, ce sont 270 greffes de cornée (de tous types) qui ont été pratiquées, selon le Dr Fortin.

«Les greffes de cornée sont pratiquées depuis assez longtemps, précise ce spécialiste. On prélève le bouton de cornée d'un patient et on le remplace par celui d'un donneur. Mais avec le temps, les techniques se sont raffinées et on s'est rendu compte qu'il y avait de nombreux avantages à enlever seulement le tissu qui est malade.»

«Le problème quand on fait une greffe de pleine épaisseur, indique le Dr Fortin, c'est qu'on induit beaucoup d'irrégularités de la cornée, qui est comme une loupe. Quand la loupe est irrégulière, la qualité de l'image est moins bonne, donc il y a toutes sortes de complications, comme l'astigmatisme.»

Pour réaliser des interventions partielles, les chirurgiens utilisent un microscope classique, qui leur donne une image optique - avec vue de haut vers la cornée -, mais la tâche est extrêmement délicate.

«Le chirurgien doit disséquer la cornée dans son épaisseur, qui est d'environ 0,5 mm, donc c'est difficile, détaille le Dr Fortin. Le nouveau microscope est équipé d'un système de tomographie par cohérence optique, c'est-à-dire qu'il donne une image en coupe du tissu. Le chirurgien peut évaluer exactement à quelle profondeur il se trouve dans la cornée.»

Est-ce que la dissection de la partie malade de la cornée a été bien exécutée avant d'être retirée? Est-ce que le nouveau greffon est en bonne position? Ce nouvel instrument permettra aux chirurgiens ophtalmiques de le vérifier avec une précision jamais observée auparavant.

Selon le Dr Fortin, cet appareil sera particulièrement utile lors du remplacement de la partie antérieure de la cornée (opération de type DALK), où le taux d'échec technique est plus élevé.

«Quand on veut remplacer la partie antérieure de la cornée, il y a un risque de perforation. Le nouveau microscope devrait nous aider à augmenter notre taux de réussite. Lorsqu'on réussit ce type d'intervention, le taux de rejet est habituellement de zéro, parce que la partie postérieure, qui est saine, reste en place.»

Lorsque c'est la partie postérieure de la cornée qu'il faut remplacer (l'endothélium), le défi est de bien placer le greffon, poursuit le Dr Fortin.

«Le problème de rejet est plus important avec ce type d'intervention. Mais au moins, avec cet instrument, on va pouvoir bien placer les greffons. S'il reste des poches de liquides entre le greffon et la cornée, on va le savoir et remédier à la situation pour que le greffon colle au bon endroit. Le but étant de préserver la structure antérieure et la forme de la cornée et de rétablir sa fonction en remplaçant l'endothélium.»

Le CUO utilise ce microscope Opti Lumera 700 depuis déjà un mois. «L'expérience est très positive, nous dit le Dr Fortin. Nos chirurgiens vont se l'arracher parce que là, on parle de greffe de cornée, mais les chirurgies de la rétine pourraient aussi bénéficier de ce nouvel appareil, tout comme les chirurgies du glaucome. Donc je vais devoir gérer la compétition entre les collègues!»