Le CHU Sainte-Justine accuse l'émission Enquête d'avoir diffusé un reportage comportant de «nombreuses inexactitudes et sous-entendus» sur une étude clinique en oncologie pédiatrique menée dans son établissement.

«Nous ne pouvons pas passer sous silence les allégations tendancieuses du reportage d'Enquête, qui jettent injustement un doute sur notre capacité d'assurer la sécurité des enfants», a dit en conférence de presse ce vendredi matin la présidente-directrice générale par intérim du CHU Sainte-Justine, Isabelle Demers.

L'hôpital pédiatrique répliquait ainsi au reportage de l'émission Enquête diffusé la veille (jeudi) dans lequel la journaliste Pasquale Turbide révèle que Santé Canada a dû suspendre une étude menée à Sainte-Justine après que des chercheurs de l'hôpital pédiatrique n'eurent pas respecté le protocole de recherche alors qu'ils voulaient développer un traitement de la dernière chance pour enfants cancéreux. L'étude expérimentale «de phase 1» porte le nom de DEC-GEN.

«Aucun enfant n'a été mis en danger en participant au projet de recherche DEC-GEN», a insisté le directeur des services professionnels de Sainte-Justine, Marc Girard, aux côtés de Mme Demers lors de la conférence de presse. 

Le reportage d'Enquête révélait entre autres que les agents de Santé Canada - dépêchés en novembre 2016 pour faire une inspection -  ont identifié 76 déviations du protocole de recherche de tout genre, dont 23 de niveau critique, « constituant un danger pour les sujets ou un risque excessif qui menace leurs droits, leur santé et leur sécurité ».

«Aucune déviation n'a eu d'impact sur la sécurité des enfants», a assuré M. Girard devant les médias présents. 

La direction de Sainte-Justine a rappelé les conclusions de Santé Canada voulant que les décès des patients participant à l'étude ont découlé de la progression de la maladie, et que les effets indésirables observés étaient conformes à ce qui était attendu et décrit dans le formulaire de consentement. 

L'étude cherchait à mesurer l'effet combiné de deux molécules: la DÉCitabine, une forme de chimiothérapie, et la GÉNistéine, un dérivé de la protéine de soya. Cette combinaison avait déjà été testée sur des adultes à l'hôpital Notre-Dame, mais à des doses réduites, soulignait le reportage d'Enquête.

Or, la détermination de la dose initiale a fait l'objet d'une évaluation par Santé Canada, par un comité scientifique américain ainsi qu'un comité scientifique interne, a fait valoir de son côté la direction de Sainte-Justine. L'ensemble de ces experts ont approuvé le dosage administré, a-t-elle insisté. «Ce n'était pas une étude maison tel qu'évoqué dans le reportage», a dit M. Girard des services professionnels de l'établissement de santé montréalais. 

La direction de Sainte-Justine promet qu'elle suivra toutes les recommandations de Santé Canada faites après la suspension de l'étude en novembre 2016, notamment celles d'implanter un «monitoring externe» dans le cadre des prochaines études de phase 1 et de recruter un directeur de la qualité en recherche.

Tuiles brunes au plafond

Dans le reportage de Radio-Canada, les parents d'un enfant de 5 ans décédé lors de l'étude dénoncent le fait que leur fils ait été hospitalisé dans une chambre où des tuiles au plafond étaient brunes comme si elles n'étaient pas saines. 

Dès que les parents ont alerté le personnel hospitalier, des employés ont condamné la porte de la salle de bain. L'hôpital a offert à la famille de changer de chambre; mais cette dernière a refusé. 

L'enfant sans système immunitaire a développé une infection fongique causée par un champignon rare trois jours plus tard. Il est décédé peu de temps après.

La direction de Sainte-Justine affirme qu'elle a alors testé la qualité de l'air et qu'aucun problème n'a été détecté. 

Son directeur des services professionnels, M. Girard, a «déploré» en conférence de presse «la présence de la tuile abimée dans une chambre», mais du même souffle, a insisté sur le fait que le lien entre cette tuile et l'infection contractée par l'enfant n'était qu'une «supposition» non prouvée. 

La direction de l'hôpital pédiatrique a voulu se faire rassurante ce vendredi matin en ouvrant une ligne téléphonique pour répondre aux questions des familles dont un enfant est suivi en hématologie-oncologie (514-345-4931 poste 3856). 

Sainte-Justine a aussi tenu à rappeler que la recherche clinique est à l'origine de progrès remarquables dans le traitement des cancers pédiatriques. Mais que cette lutte doit se poursuivre puisque 20% des enfants atteints de cancer ne répondent pas aux thérapies actuelles et finissent par succomber à leur maladie.